Un parcours médical adolescent sans diagnostic
Naturellement, je me suis tournée vers ma maman qui m’a d’abord emmenée chez le médecin traitant en première intention. Il m’a donné du Spasfon et du Doliprane car à 11-12 ans, il ne pensait pas que c’était plus grave que ça. Il devait se dire que l’appréhension de ce corps qui changeait causait ces douleurs.
Ces deux médicaments n’ont pas du tout été efficaces.
Des symptômes de l'endométriose non enseignés
Malgré eux, les douleurs continuaient, je me trouvais de plus en plus déréglée.
Au lieu de survenir tous les 21 jours, mes règles démarraient tous les 15 jours pendant 3 semaines puis rien pendant 3 mois. C’était vraiment n’importe quoi.
J’avais alors des cours de SVT. Quand on parlait de menstruations, de règle douloureuse, je ne comprenais pas. Je n’étais en fait pas d’accord avec ce que disait le corps professoral. Car cela ne correspondait pas à ce que je vivais au quotidien. Donc j’étais déboussolée.
On a ensuite revu le médecin généraliste, qui ne comprenait pas trop. J’étais en 3ème, j’avais ainsi 14-15 ans. Il nous a alors aiguillées vers un centre anti-douleurs.
Prise en charge dans un centre anti-douleur
Un neurologue pédiatrique spécialiste de la douleur m’a ensuite prise en charge. Au vu de mes symptômes, il n’a pas posé de diagnostic ni évoqué d’endométriose. Il m’a d’abord proposé le TENS, un appareil d’électrostimulation qui fonctionne sur la théorie du portillon. Signal électrique, la douleur va de l’endroit douloureux jusqu’au cerveau. Pour la contrer, on l’intercepte avec un signal électrique.
On vient poser des électrodes puis on règle l’intensité.
Au début, ça fonctionnait bien sur moi.
Mais après, cela ne suffisait plus. Alors j’augmentais l’intensité électrique jusqu’à me brûler la peau.
Quand ma maman l’a découvert, elle n’était pas contente. On est donc retourné voir le neurologue.
Il a dit qu’il pensait qu’il y avait aussi une part de mensonge dans ce que je disais, probablement lié à mon âge. Mon corps me faisait mal parce que je faisais une crise d’adolescence.
Je n’en ai pourtant jamais fait, ni consommé de drogue. Mes parents ne m’ont jamais récupérée au commissariat. Cela a étonné tout le monde car j’étais une enfant très sage.
Le médecin a décidé de mettre le TENS de côté.
Suivi psychologique
J’ai alors vu une psychologue tous les mercredis. Je loupais ainsi une partie des cours de physique, pendant mon année de seconde.
J’ai manqué beaucoup de cours lié à ça, car je voulais vraiment guérir.
Je finissais en fait par croire ce que me disaient les médecins, que, dans ma tête, il y avait un souci. Et qu’il fallait vraiment que je vois le psy, tant pis pour la physique, ce n’était pas grave.
J’avais en effet pour objectif de trouver ce que j’avais, d’aller mieux, que ça s’arrête.
J’ai alors commencé à douter beaucoup de moi, à être mal dans ma tête et dans ma peau.
Avec la psychologue, on parlait, des douleurs que j’avais, notamment énormément au niveau des lombaires. Elle m’a appris l’auto-hypnose mais je n’étais pas très réceptive (et ne le suis toujours pas) à ce genre de médecine-là.
Consultation gynécologique
Heureusement qu’à cette même période, j’ai vu pour la première fois un gynécologue. Il m’a prescrit une pilule. Il n’a en revanche pas évoqué un diagnostic d’endométriose au vu de mes symptômes.
J’ai alors retrouvé des cycles un peu plus normaux.
Saignant moins, j’avais d’autre part moins d’anémie.
En termes de douleur, je ne voyais pas vraiment de différence.
Au global, c’était cependant plus vivable qu’au début de mes règles. Le contraceptif me convenait bien.
Des antidépresseurs comme traitement anti-douleur
La psychologue continuait à échanger avec le neurologue à l’hôpital. Malgré le témoignage de mes symptômes, ni l’un ni l’autre n’ont parlé d’un possible diagnostic d’endométriose.
Ils ont décidé de me mettre sous Laroxyl pour pallier ces douleurs qu’ils ont qualifiées de neuropathiques comme cela faisait plus de 6 mois qu’elles étaient présentes.
En fin de seconde et début de première, je prenais donc tous les jours ce médicament antidépresseur. Même microdosé, il avait un effet sur le cerveau.
Au bout d’un moment, je n’ai plus supporté cet état second dans lequel le médicament me mettait. J’avais en fait l’impression d’être un zombie.
Je n’étais même pas majeure mais déjà sous-antidépresseur, rien de génial !
Dans cet état de zombification, je ne me rappelle même plus si cela améliorait quoi que ce soit de mon quotidien au niveau des douleurs.
Je sais seulement que ça m’a plus détraquée qu’autre chose, j’étais clairement un légume.
J’ai dû arrêter le handball à ce moment-là, les médicaments me shootant trop. Je n’étais en effet plus en état d’aller sur un terrain et de faire quoi que ce soit.
Cela a donc créé un nouveau stop dans ma vie personnelle.
Ce traitement lourd a également compliqué ma vie sociale, mes relations avec les autres.
Poursuite des symptômes d'endométriose et de l'errance
On a alors revu le neurologue. Je lui ai ainsi dit que je ne voulais plus de son truc, que le Laroxyl ne m’allait pas du tout.
Psychotrope anesthésique
Il m’a dit qu’il pouvait me proposer une dernière chose, une cure de Kétamine [NDLR : il s’agit d’un anesthésique qui dissocie corps et esprit, le cerveau ne recevant plus les messages de douleur du corps].
J’ai alors subi des cures d’une semaine de perfusion de Kétamine, à deux reprises. La première, lorsque j’étais en première et la seconde en fin de terminale, en juillet 2017. J’étais à l’hôpital quand toutes mes copines fêtaient l’obtention du baccalauréat. Bac que j’ai eu malgré toutes mes heures d’absence liées à la maladie.
Pendant une semaine, j’étais clairement droguée avec de nombreux effets, comme les hallucinations.
Dans un état second, je me moquais des infirmières…
J’ai honte encore aujourd’hui car je ne suis pas du tout comme ça, je suis assez respectueuse, c’est l’éducation que j’ai reçue en tout cas.
Nouveau traitement hormonal
En parallèle, j’ai revu le gynécologue qui m’a prescrit une pilule à prendre en continu. Je la prends tous les jours depuis 2017. Toujours aucune évocation d’un éventuel diagnostic d’endométriose malgré des symptômes installés depuis plusieurs années.
Cette pilule me convient. Elle me permet en effet de réduire les anémies. Avec elle, j’arrive à bien gérer les douleurs. Il peut y avoir quelques petits loupés, avec parfois quelques saignements (spottings) survenant de manière aléatoire. Peut-être que le corps se rebelle un peu.
Mais globalement, ça rentre plutôt dans l’ordre, avec cette pilule correctement dosée que je supporte bien.
Après ma dernière cure de Kétamine, j’ai reçu un courrier de l’hôpital en septembre 2017 me disant qu’ils ne pouvaient plus rien pour moi. Et qu’il fallait alors prendre contact avec les services en charge des adultes.
Pause médicale
J’ai démarré en BTS avec une première année d’alternance chez Thalès à Brest.
Je n’avais clairement pas le temps de prendre soin de ma santé.
Même si ce n’était pas bien, j’avais d’autres projets en tête, je découvrais à la fois les études et le monde de l’entreprise. Je n’avais alors plus envie de repartir là-dedans encore.
Les rendez-vous médicaux sur le temps de travail font d’autre part un peu tâche quand on vient juste d’arriver dans une grande structure comme ça.
Et puis, je vivais relativement bien avec la nouvelle pilule.
Et de toutes façons, ils n’arrivaient pas à trouver ce que j’avais. Ils avaient par ailleurs réussi à me convaincre que c’était dans ma tête, que j’étais douillette, que c’était normal d’avoir mal. Je finissais par être blasée.
Opérée des ligaments croisés à 18 ans, j’ai surtout concentré mes efforts sur la rééducation de mon genou.
Examens d'imagerie mal interprétés
J’ai quand même consulté un nouveau gynécologue. Car malgré mes symptômes, notamment les différents points de douleur, et l’hypothèse d’endométriose que j’avais évoqués avec lui, le précédent médecin avait mis en doute le diagnostic proposé. « L’endométriose est à la mode, c’est sur Internet mais c’est dans votre tête. »
Il m’a fait passer examen clinique et examen d’imagerie : échographie pelvienne endovaginale (avec une sonde dans le vagin) et IRM. Invasifs et douloureux, ces examens gynécologiques sont malheureusement incontournables pour le diagnostic d’endométriose. L’analyse des résultats par la radiologue n’a rien révélé, elle m’a même conseillé d’aller voir un psy !
J’ai décidé de récupérer le CD de l’IRM, même si j’ai dû payer pour ça.
Fin de l'errance avec le diagnostic d'endométriose
Même si la pilule me permettait de mieux vivre, je ne savais toujours pas pourquoi j’avais mal. Je pensais à l’endométriose par la lecture de témoignage avec des symptômes ressemblant aux miens. Or j’avais quand même besoin de le savoir.
Ma famille m’encourageait à continuer les recherches, notamment mon père. « Tu ne peux pas rester comme ça, prends ton CD et va voir un médecin vraiment spécialisé dans l’endométriose, tu verras ce qu’il te dit ». Il habitait à Paris, en face de l’Hôpital St Joseph.
J’ai donc fini par prendre rendez-vous avec un gynécologue de cet établissement, spécialiste de la maladie. J’ai pris le train en septembre 2019 avec mon CD d’IRM pour une première consultation.
Consultation dans un centre expert d'endométriose
Le médecin a vu les images, les a fait relire par des confrères radiologues.
Pour eux, les images sur l’IRM ne faisaient aucun doute. Le gynécologue m’a dit « vous êtes un sapin de Noël ». Il a en effet découvert une endométriose profonde avec de nombreuses lésions au niveau :
- du muscle utérin (adénomyose),
- des ovaires,
- des ligaments utérosacrés qui tiennent l’utérus (il ne flotte en effet pas dans le corps !),
- de la vessie (ce qui provoque des douleurs au moment d’uriner),
- des intestins,
- du péritoine (membrane qui entoure les organes abdominaux),
- du rectum.
Il m’a ensuite présenté ses excuses pour mon errance médicale, de la part de ses confrères et de lui-même. Enfin un médecin qui avait compris à quoi servait le serment d’Hippocrate !
C’est ce jour-là qu’il a officiellement posé les diagnostics d’adénomyose et d’endométriose, mettant fin à 9 ans d’errance médicale.
Traitements contre les symptômes d'endométriose
En termes de traitements médicaux, je poursuis la prise de la pilule en continu, qui améliore mon quotidien. Quand j’ai trop de douleurs, je prends des médicaments anti-inflammatoires comme l’Antadys, sur prescription médicale.
Certaines de mes lésions étant opérables, une intervention avait été planifiée à l’été 2020. Elle devait porter sur le nodule rectal qui me gêne très régulièrement (je le sens par exemple parfois quand je m’assois). Elle n’a finalement pas eu lieu en raison du Covid et je n’ai pas voulu la reprogrammer.
Je ne me ferai opérer que si des lésions bloquent ma fertilité. C’est un sujet sur lequel je ressens une pression des médecins, qui m’ont parlé de congélation d’ovocytes dès mes 20 ans.
Mais un projet d’enfant n’est actuellement pas à l’ordre du jour et il n’y a aucun fait précis pour dire que moi, Solenn, j’aurais des problèmes de fertilité. Les médecins préfèrent ne pas faire de bilan de fertilité en amont d’un projet d’enfant par peur de dégoûter les patientes.
Faire progresser le diagnostic d'endométriose
- son témoignage bouleversant sur son parcours d’errance dans l’endométriose,
- son engagement dans l’Association Bretagne Endométriose qu’elle a créée pour aider les jeunes filles à ne pas vivre son expérience.
- cette maladie,
- la parole des enfants (petite fille ou adolescente),
- l’anormalité de la douleur (dysménorrhées c’est-à-dire les douleurs menstruelles, dyspareunies c’est-à-dire les douleurs pendant les rapports sexuels ou après…).
- insuffisance de filières spécialisées regroupant différents professionnels de santé spécifiquement formés (gynécologue, radiologue, sage-femme, cadre endométriose…) ;
- parcours de diagnostic compliqué (manque de test endométriose simple, par une prise de sang par exemple) ;
- traitement curatif inexistant.
Quant à la contribution de Rue du Colibri à la gestion de la douleur, c’est ici ➡️➡️➡️
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