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Maladies Inflammatoires : le calvaire du diagnostic

Très honorée d’avoir été contactée par une jeune femme souhaitant partager son histoire, j’ai eu le plaisir de recueillir son témoignage. Loubna, du @blablaclub.fr, nous raconte ici la succession d’errances diagnostiques et médicales qu’elle a vécue sur chacune des deux maladies inflammatoires chroniques dont elle est atteinte : l’endométriose et la spondylarthrite.

L'endométriose

J’ai 39 ans. Pendant 17 ans, personne ne m’a crue. Des règles abondantes et des douleurs chroniques au bas du ventre et dans le dos, on m’a répété à l’envi que c’était « normal ».

Mais comment considérer « normal » d’avoir des douleurs au quotidien ?

Ce n’est qu’après un long parcours plein de péripéties que j’ai enfin obtenu le diagnostic d’endométriose. Aujourd’hui, je souhaite partager mon histoire pour que d’autres femmes ne subissent pas la même errance. Car les témoignages de patientes m’ont moi-même énormément aidée dans mon parcours.

Premiers symptômes & banalisation de la douleur

Les premiers symptômes de l’endométriose sont facilement négligés. Comme de nombreuses femmes, on m’a fait comprendre que mes manifestations menstruelles intenses étaient « normales ». Elles ont commencé tôt, dès le début de mes règles à 13 ans.

Des règles très abondantes pendant huit jours sans répit, que j’appelais les « règles du Niagara ». Difficiles à gérer à l’école où on ne peut en effet pas se lever toutes les 30 minutes pour aller changer son tampon.
Photo Loubna, jeune femme atteinte de plusieurs maladies inflammatoires

Des douleurs fortes du ventre qui m’empêchaient parfois de suivre les cours. Puis des douleurs irradiant dans le bas du dos, les fesses et les cuisses à partir de la fac, comme des décharges électriques soudaines qui m’immobilisaient complètement et qui intervenaient à n’importe quel moment, pas seulement pendant mes 8 jours de règles…

Autant de symptômes que les médecins et mon entourage ont mis sur le compte d’une sensibilité accrue. Puis d’un rythme de vie et de travail intense. J’avais pourtant des exemples autour de moi qui montraient que mon vécu n’était pas classique : mes amies puis mes collègues de travail, avec leurs règles de 3 jours, dont l’impact sur leur quotidien semblait facilement gérable.

Malheureusement, cette banalisation de la douleur féminine est un véritable fléau. Pendant des années, on m’a ainsi répété que « toutes les femmes avaient mal pendant leurs règles », que c’était dans ma tête et que je devais simplement apprendre à vivre avec. Cette minimisation de mes symptômes et de la souffrance associée a eu un impact considérable sur ma santé, physique et mentale, et a retardé considérablement le diagnostic.

Fatigue, symptôme des maladies inflammatoires passé sous silence

Plus jeune, je ne m’en rendais pas forcément compte avec le rythme du collège puis du lycée. J’ai commencé à travailler très tôt pendant mes années de fac. La fatigue, cela ne pouvait pas être un sujet. Il fallait bosser pour payer le loyer et aller à la fac donc je n’avais pas le choix du rythme.

J’ai ensuite travaillé dans la production événementielle, avec un rythme intense, que je tenais parce que j’adorais ce que je faisais. Mais la récupération était difficile. , Même avec de nombreuses heures de sommeil, je me réveillais fatiguée.

Bien sûr que je trouvais ça bizarre, mais je ne me posais pas plus de question que ça à l’époque. D’autant plus qu’on associe souvent la fatigue à la dépression et comme, selon les médecins, tous mes symptômes étaient dans ma tête, je n’allais pas en rajouter une couche.

Jusqu’à ce qu’un médecin me fasse prendre conscience du lien entre fatigue et l’endométriose.

Kyrielle de médecins & erreurs de diagnostic

Au vu de symptômes plus intenses que la moyenne, j’ai commencé un suivi médical avec notre médecin de famille. Pour cette généraliste, j’avais certes plus mal que les autres, mais cela restait des règles et une douleur normale.

C’est au lycée que j’ai vu pour la première fois un gynécologue. Il a vérifié qu’il n’y avait pas de problème anatomique, comme un utérus rétroversé qui aurait pu expliquer des douleurs. Il a conclu de son examen que je n’avais rien, que c’était dans ma tête et que du Spasfon règlerait les douleurs. Alors qu’il n’en était rien, Spasfon comme Doliprane n’agissant pas du tout.

L’apparition d’une douleur différente, spécifiquement située au niveau de la fosse iliaque droite, a entraîné des examens à la recherche d’une appendicite. Ils n’ont évidemment rien donné, je m’en doutais déjà, je savais que la douleur que je décrivais ne correspondait pas du tout à celle d’une appendicite.

La douleur persistant, et ma mère souffrant d’une maladie cœliaque, j’ai alors consulté un deuxième gastro-entérologue. Il a testé successivement différents médicaments, qui n’ont pas fonctionné. Au vu des antécédents, il m’a alors fait une coloscopie. Lors de l’intervention, il a enlevé des polypes, inhabituels chez une personne de 24 ans.

Il n’a pas vu d’anomalie au niveau du côlon et a émis l’hypothèse d’un problème autour des organes, possiblement des atteintes d’endométriose. Première fois qu’un médecin consulté a envisagé l’existence d’une pathologie, et a évoqué l’endométriose (que j’avais moi-même trouvée lors de mes recherches). Il m’a recommandé de consulter un chirurgien viscéral.

Synchronicité peut-être, la société où je travaillais a organisé un événement au profit d’une association d’actions contre l’endométriose. J’ai récupéré un flyer de l’association puis ai pris rendez-vous avec la médecin qui participait à cette soirée, docteure très médiatisée, figure de la lutte contre l’endométriose.

Diagnostic sans écoute ni suivi

Un an d’attente… J’arrive avec un dossier complet et ordonné, je sais que les médecins n’ont pas de temps à perdre. Naïvement, je pensais que cette gynécologue allait changer ma vie, que je ressortirai de la consultation avec un diagnostic et un plan d’actions. Je tombe en fait sur une dame exécrable, froide, énervée.

J’énumère mes symptômes. Elle me dit : « vous avez de l’endométriose, je n’arrive pas à croire que personne ne vous l’ait dit jusque-là ». Puis elle m’ausculte sans aucune délicatesse et me fait mal à plusieurs reprises. Elle dit « c’est touché » [par l’endométriose] à plusieurs endroits examinés.

De retour à son bureau, elle fait rapidement un croquis d’utérus et de vagin que je ne comprends pas et me dit « l’endométriose, c’est comme un cancer mais ça ne se soigne pas. Demain, vous arrêtez la cigarette, vous prenez la pilule à vos prochaines règles, vous faites une échographie pour valider les atteintes et on se revoit dans un an ».

Je sors de ce rendez-vous les larmes aux yeux, en état de choc et de sidération. Je n’ai jamais repris rendez-vous avec elle.

J’ai décidé de commencer un suivi psychologique car la négligence des médecins rencontrés, mêlée aux années d’errance, ont joué sur mon moral.

J’ai vécu une autre déception lorsque j’ai consulté le service douleur de l’hôpital Saint-Joseph où la psychologue intervenait. Un an après son courrier, j’ai été accueillie dans le service. On m’avait beaucoup parlé d’une prise en charge multidisciplinaire, de soutien, de suivi…

En fait, j’ai vu un kiné 3 fois en un mois, un auriculothérapeute, un algologue et une rhumatologue. Bilan : oui, il y a de la douleur, prescription d’un antiépileptique et d’un électro-stimulateur. Puis plus rien. Je n’ai pas pris le médicament au vu de la liste des effets secondaires et ai préféré poursuivre l’accompagnement que j’avais moi-même mis en place avec des médecines douces.

La spondylarthrite : même combat

J’ai vécu un parcours tout aussi chaotique avec la spondylarthrite qu’avec l’endométriose. Une errance de diagnostic de 12 ans, sur une pathologie faisant également partie des maladies inflammatoires, pourtant mieux connue que l’endométriose.

Crescendo de symptômes inflammatoires

Lorsque je me réveillais, j’avais des courbatures malgré une longue nuit de sommeil. J’avais du mal à déverrouiller au lever. Directrice de production événementielle, j’ai d’abord pensé que mon rythme de travail pouvait l’expliquer.

Le temps passant, je trouvais ça de plus en plus bizarre. D’autant plus que j’ai toujours adoré m’asseoir par terre, mais qu’il devenait très difficile de me relever, comme une mamie de 90 ans. J’ai commencé à faire du yoga, et réalisé que je ne pouvais plus m’asseoir sur le tapis sans dossier.

Les symptômes ont continué et augmenté. J’avais l’impression d’être Robocop à chaque lever, mes amis ont commencé à m’appeler « trentenaire dans un corps de centenaire ». J’avais de plus en plus de mal à rester longtemps debout ou assise.

Puis de nouveaux symptômes sont apparus. Tout d’abord les doigts et orteils boudinés, d’une drôle de couleur, genre Knacki qui va exploser, avec des difficultés à plier. Ces symptômes-là étaient bien visibles, contrairement à des douleurs de dos ou de règles !

Le gonflement des genoux a ensuite suivi.

Tous ces signes n’ont pourtant pas réussi à inquiéter un certain nombre de médecins consultés pendant 10 ans. Jeune, pas obèse, avec une CRP (marqueur de l’inflammation) pas très élevée, ce que je décrivais ou montrais ne semblait pas leur suffire à vouloir chercher plus loin.

Mon inquiétude, elle, croissait. Je craignais de passer à côté de quelque chose de grave nécessitant un traitement.

Kyrielle de médecins & erreurs de diagnostic

Au fil de ces dix années, j’ai erré de médecin en médecin, de généraliste en rhumatologues (6 consultés !).

Bilans sanguins et IRM ne ressortant rien de significatif, ils en concluaient en général que mes problèmes venaient du boulot, de la fatigue qu’il engendrait ou d’un moral en baisse nécessitant un suivi psychologique voire médicamenteux. Comment ne pas avoir un moral en baisse lorsqu’aucun médecin ne prend au sérieux les symptômes décrits ?

Je n’ai jamais essayé de tels médicaments, aucun médecin n’ayant pris la peine de m’expliquer le rôle possible des anti-dépresseurs dans le traitement de la douleur.

D’autres hypothèses ont été émises, comme le syndrome des douleurs chroniques ou fibromyalgie, alors que mes symptômes ne semblaient pas correspondre à ce que j’avais pu lire sur le sujet. Je n’avais notamment pas mal au toucher.

Puis la maladie de Raynaud a été évoquée, avec mes doigts froids. Ma mère en est atteinte, mais après l’examen par capillaroscopie, il s’est avéré que ce n’était pas mon cas. D’ailleurs, cette maladie n’expliquait pas les doigts gonflés… Ces nouveaux symptômes ne semblaient pas liés, et la crème prescrite n’a eu aucune action.

Il a fallu attendre le nouveau symptôme de mes genoux gonflés pour que ma généraliste prenne enfin mes symptômes au sérieux et accepte de faire un courrier pour pouvoir consulter un spécialiste des maladies inflammatoires. Avec mes recherches sur Internet, je pensais en effet à une polyarthrite ou peut-être une spondylarthrite.

Et encore, ce courrier ne mentionnait que mes antécédents d’endométriose, pas les symptômes apparus en différentes phases sur les dix dernières années.

Fatigue aggravée par la combinaison de maladies inflammatoires

Même avec des nuits de 10h et des siestes, je me sentais très fatiguée. A tel point que je me suis demandée si je n’avais pas un problème de sommeil, comme l’hypersomnie. J’ai fait des tests sur la qualité de mon sommeil, qui n’ont révélé aucune anomalie.

La combinaison de ces deux maladies inflammatoires, endométriose et spondylarthrite, a clairement impacté mon niveau de fatigue.

Le mot de la fin

Un grand merci à Loubna pour son témoignage sur son parcours long et chaotique.

De tels partages sont importants pour aider d’autres personnes à garder la foi dans ce qu’elles ressentent et à poursuivre leurs recherches des causes de leurs symptômes.

Quant à la contribution de Rue du Colibri à la gestion de la douleur, c’est ici ➡️➡️➡️

Nous expédierons toutes les commandes passées jusqu’au 23 décembre à 16h.

Et reprendrons les livraisons le 2 janvier.

Passez de Belles Fêtes !