La maladie qui l’affecte, la dysautonomie, est un trouble du système nerveux autonome. Ce dernier assure normalement la régulation des fonctions involontaires du corps, telles que la pression artérielle, la fréquence cardiaque, la digestion et la température corporelle.
Lorsqu’il dysfonctionne, une variété de symptômes peuvent se manifester, dont certains peuvent s’avérer très invalidants pour les personnes atteintes.
Que faisiez-vous avant l'apparition de la maladie ?
Je travaillais dans un centre pour personnes âgées et handicapées. Principalement, je faisais l’admission des personnes hospitalisées. Je m’occupais aussi du placement des personnes âgées en lien avec les médecins et les cadres infirmiers. Et également des dossiers de contentieux.
J’adorais mon travail. Notamment les relations avec les personnes handicapées auprès desquelles on apprend beaucoup.
Parce qu’elles sont vraies. Elles vous aime ou elle ne vous aime pas, dès le premier jour. Mais quand elle vous aime, elle vous donne beaucoup.
Je me rappelle toujours d’un résident qui venait chercher le courrier du cadre infirmier.
En arrivant, il me disait « tu me donnes le couyer ? »
« Oui, je te le donne. Tu vas bien ? »
« Oui. Dis tu sais ? Moi, j’aime bien le café. »
Alors, je lui donnais 50 centimes pour s’acheter un café à la cafétéria.
« T’es gentille, toi, j’t’aime bien. »
Un jour, pour ne pas l’habituer, je ne lui ai rien donné.
« J’aime bien le café mais ça coûte cher. »
« Dis donc, tu as de l’argent de poche ? »
« Ah oui mais ça coûte cher. »
« OK M., je vais te donner quand même pour t’offrir un café. »
« Ah ben couillon, t’as compris. T’as mis le temps ».
Et mon directeur qui avait entendu de surenchérir : « Oh oui mais tu sais M., elle est sourde par moment, c’est pour ça ! »
J’ai noué des relations extraordinaires qui resteront gravées dans ma mémoire. J’adorais particulièrement la kermesse annuelle, avec des jeux accessibles aux résidents. Je voyais les visages s’illuminer en ce jour de fête, rempli de joie et d’amour.
Comment s'est manifestée la dysautonomie ?
Un jour où j’allais prendre un thé dans une brasserie avec des amis, en août 2010, je ne me suis pas sentie bien, j’avais très chaud. Ils m’ont emmenée aux urgences. Je ne voulais pas y aller car je n’avais pas de signe précurseur, pas de symptôme qui le justifie, seulement de la fatigue et des palpitations.
J’ai subi plusieurs examens dans le service de neurologie. Mais ils ne trouvaient rien. Ils m’ont alors transférée dans le service de cardiologie, pour poursuivre les recherches. Ils ont envoyé les résultats à des confrères parisiens.
Enfin, ils m’ont appelée le 3 janvier 2012 pour une consultation en urgence le lendemain. Le cardiologue m’a dit qu’il s’agissait d’une dysautonomie, affectant le système nerveux. Il m’a expliqué de manière très explicite que quand le nerf cardiaque ne remplit plus sa fonction, c’est comme si j’avais une coupure de courant subite qui revient deux secondes après. Mais je ne m’en aperçois pas.
Cela expliquait ainsi que je ne voyais pas de signes précurseurs. La coupure arrivait tout d’un coup et me faisait tomber sans que je m’en rende compte. Ça peut atteindre tous les nerfs, pas uniquement au niveau cardiaque : estomac, intestins, vessie, poumons, reins… On découvre au fur et à mesure les conséquences. Il n’y a pas de traitement qui soigne la maladie, seulement des traitements qui compensent les dysfonctionnements qu’elle génère.
Quand a démarré la nutrition parentérale à domicile ?
Elle n’a pas été mise en place tout de suite mais peu de temps après. Ils m’ont d’abord donné des bétabloquants parce que j’avais des extrasystoles importantes. Et puis après, l’estomac ne fonctionnait pas, je vomissais constamment. Et au niveau de l’intestin, j’avais des constipations de plus en plus sévères.
Comme je vomissais beaucoup et mangeais très peu, mon alimentation ne suffisait plus à mes besoins. Fin 2012, ils ont mis en place la nutrition entérale. Avec une sonde nasogastrique, on apporte directement les aliments dans l’estomac.
Puis je suis passée à la nourriture parentérale. Je suis branchée de 8h jusqu’à 16h cinq jours sur sept (lundi, mardi, jeudi, vendredi et samedi).
Je mange très peu à côté. Un yaourt, une semoule, un petit gâteau. Il y a des fois où ça passe et d’autres non.
Comme me l’avait dit l’hépato-gastroentérologue à Poitiers, si un jour on vous invite au resto, allez-y, mangez ce que vous pouvez. Si vous vomissez, vous vomissez mais au moins vous vous ferez plaisir.
Avant, j’aimais manger peu mais bien donc ça ne me dérange pas maintenant de peu manger. Je sais en effet que je ne le digèrerai pas donc cela ne représente pas une privation pour moi.
En ce moment, c’est plus difficile car je vomis beaucoup. Mais j’ai l’habitude. C’est peut être lié à un nouveau traitement donné fin janvier par mon médecin de Bordeaux.
Quel impact de la dysautonomie sur votre travail ?
J’ai été obligée de m’arrêter de travailler. Je tombais et vomissais très souvent.
La direction ne pouvait en effet pas prendre le risque qu’il m’arrive quelque chose de grave en continuant de travailler.
Je me suis donc retrouvée en longue maladie à 57 ans.
J’ai mal vécu cette période, j’aurais voulu aller jusqu’au bout et prendre ma retraite normale à 60 ans.
Les résidents notamment me manquaient. Il y avait par ailleurs beaucoup de démarches à faire.
Il a fallu également passer devant une commission pour demander la retraite pour invalidité, que j’ai obtenue. J’ai ainsi vu trois médecins experts. Dont un, je me rappelle, un soir à 17h. Le professeur du CHU arrive et s’assoit en disant « Excusez-moi je suis en retard, ce n’est pas mon jour aujourd’hui. » Cela ne m’a pas rassurée d’autant plus qu’il était connu pour être très strict.
Finalement, ça s’est très bien passé. Au vu des rapports, il a tout de suite validé. Il m’a regardée et dit : « ne vous inquiétez pas ça va aller. »
Quelles sont les autres atteintes de la dysautonomie ?
La maladie impacte ma vessie. Normalement, je dois avoir de nouveau des injections de toxine botulique fin avril, de nouvelle génération.
J’avais déjà eu quatre injections mais ça ne faisait plus d’effet donc on avait arrêté.
Je fais avec mais c’est dégradant au niveau urinaire. Parce que même si vous avez des protections, vous n’avez pas envie que ça parte tout d’un coup dans la protection. Vous n’avez aucun signal d’alerte qui vous dise qu’il faut uriner.
Pour le cœur d’autre part, je prends un médicament, du Flucortac, qu’ils vont peut-être me changer. J’ai rendez-vous en consultation de cardio prochainement. J’ai en effet passé une écho de stress qui montre beaucoup d’extrasystoles.
Ils n’ont d’ailleurs pas pu aller jusqu’au bout parce que je toussais beaucoup.
J’ai eu un Holter sur 15 jours mais je n’ai pas encore les résultats.
Quel dispositif pour la nutrition parentérale à domicile ?
Je n’ai jamais eu de PICC Line.
Au départ, j’ai eu des cathéters. Puis j’ai fait une infection, un début de septicémie. Ils ont alors décidé de poser une chambre implantable.
Avec la première, ça s’est bien passé, même si elle a fini par s’infecter. C’est en effet le problème des sondes et voies veineuses centrales, ils sont sujets à infection.
Quant à la deuxième, elle n’a pas bien fonctionné. Il y avait des problèmes de retour, de rinçage et de nourriture qui régulièrement ne passaient pas. En fait, quand ils l’ont enlevée au CHU de Poitiers, l’anesthésiste a eu beaucoup de mal car elle était posée trop profondément.
Il y avait d’autre part un manque de respect des règles d’hygiène pendant les soins qui a conduit à une infection par staphylocoque doré en novembre 2022. J’avais beau le dire, cela continuait à ne pas être fait correctement
L’équipe de Bordeaux a alors décidé de repartir sur des cathéters.
Tout récemment, j’ai de nouveau subi un changement de cathéter. À l’imagerie, ils on en effet constaté que l’extrémité se trouvait au niveau du ventricule et non de l’oreillette droite. J’en suis à mon 7ème dispositif implanté.
Quel suivi médical en nutrition parentérale et autres ?
J’étais suivie à Poitiers jusqu’à fin de 2021. Poitiers a alors perdu son statut de centre de compétences en alimentation parentérale. Le médecin hépatologue a donc réaffecté les patients sur deux centres, selon la maladie : Limoges et Bordeaux.
Je suis ainsi suivie à Bordeaux pour la nutrition parentérale à domicile. Je suis très contente de l’équipe de Bordeaux : Eva et Coraline, les infirmières d’annonce, ainsi que le docteur Pellet, sont adorables. Comme le docteur m’avait demandé la spécialité de ma région, je leur ai apporté des macarons de Montmorillon. Eva a dû reprendre la boîte du médecin pour que les autres personnes de l’équipe puissent également se régaler !
Le plus difficile, c’est la distance parce que ça fait quand même 500 km aller-retour.
Cela peut également compliquer les choses en cas d’urgence. Hospitalisée à Poitiers un weekend, j’ai reçu bien sûr les soins d’urgence. Mais il a fallu attendre le lundi pour joindre Bordeaux et savoir ce qu’il fallait faire. Ils n’ont pas eu à me rapatrier sur Pessac, ils ont pu me soigner sur place avec les instructions du Dr Pellet.
D’autre part, la responsabilité des dispositifs de perfusion (chambres implantables ou cathéters) reste aux équipes de Poitiers, qui les posent et les enlèvent si besoin. Un médecin très sympathique a accepté de prendre le relais sur place et de coordonner avec Bordeaux, j’espère qu’il va rester.
Par ailleurs, comme ma maladie touche différents organes, je suis également suivie dans différents services à Poitiers (je fais le cumul des mandats !) :
- pneumologie, notamment car je fais de l’apnée du sommeil. J’ai d’ailleurs un appareil pour la nuit depuis le mois d’août l’an dernier ;
- neurologie ;
- cardiologie ;
- hépatologie ;
- médecine interne ;
- urologie.
Quelle gestion des déplacements à vos consultations ?
Pour mes rendez-vous au CHU de Poitiers, j’y vais en VSL.
Pour mes consultations à Bordeaux, tous les 2 à 3 mois, j’y vais en ambulance parce que je suis de base malade en voiture. Donc avec mes problèmes de santé en plus, je crois qu’il faudrait que je m’arrête tous les quarts d’heure. Et j’arriverais en miettes comme m’avait dit un médecin.
Je dors dès que j’entre dans l’ambulance, à l’aller comme au retour. Ça fait rire les ambulanciers. Ils m’ont dit un jour « Oh miracle, elle est réveillée ! »
Comme ça, je ne suis pas malade et je ne les embête pas. Ils sont prêts à m’emmener où je veux 😊
Ce ne sont pas toujours les mêmes, mais maintenant je les connais tous. Pour les remercier de leur gentillesse, je leur offre le repas quand on s’arrête sur la route.
Quelles personnes gèrent vos soins à domicile ?
Un prestataire de santé à domicile s’occupe de la livraison du matériel. Des infirmières libérales se chargent par ailleurs du branchement et débranchement des perfusions de nutrition parentérale à mon domicile.
J’ai dû changer d’infirmière il y a un an.
L’équipe médicale de Bordeaux a d’autre part bien insisté sur l’hygiène pour éviter les risques d’infection. Mettre une blouse, un masque, une charlotte. Donc ça s’est bien passé tout de suite.
L’équipe médicale de Bordeaux, ne connaissant pas les infirmiers libéraux de Poitiers, a demandé au prestataire de santé à domicile de trouver des infirmières.
Deux sœurs infirmières, Anne-Sophie et Marie-Caroline, adorables, s’occupent aujourd’hui de moi. Elles avaient déjà posé ce type de perfusion.
Aujourd’hui, ça se passe vraiment très très bien. Bordeaux leur fait confiance.
Un kiné vient également à mon domicile, pour des mouvements et des massages. Cela me permet de rester un minimum en forme et de limiter les problèmes liés à mon ostéoporose. Cela m’aide également à mieux gérer la fatigue. Mon corps dépense en effet beaucoup d’énergie à compenser la défaillance du système nerveux et les baroréflexes quasi-nuls.
Quelles activités avec la nutrition parentérale à domicile ?
Avec la nutrition parentérale à domicile, ce n’est pas possible de partir de chez moi quelques jours.
Mais cela ne me manque pas, à partir du moment où je peux quand même sortir de chez moi et voir autre chose que ces 4 murs.
Les journées passent en fait très vite. Je lis, je regarde la télé, je dors aussi beaucoup.
Souvent, l’après-midi, je me repose mais le matin, je peux mettre la pompe et la poche de nutrition dans le sac à roulettes pour sortir. Donc ça me permet d’aller prendre avec des amis un café ou un thé le matin et d’avoir du lien social.
Après le passage de l’infirmière pour débrancher la perfusion, des amis m’appellent parfois et me proposent de passer. On va alors prendre une boisson dans une brasserie à 150 mètres de chez moi. Je vois ainsi du monde, je prends l’air et je ne me sens pas isolée.
Je sais à quel point c’est important après avoir vu, lorsque je travaillais, les résidents sur un lit toute une journée ou dans un fauteuil à l’entrée. Cela me faisait mal au cœur même s’il y avait des animations de temps en temps.
Et puis il y a toute la gestion des rendez-vous et de collecte des résultats et Dieu sait que cela prend du temps avec les différents services qui me suivent. Il faut appeler plusieurs fois les services, qui ne rappellent pas. Quand on les a finalement au téléphone, ils disent qu’ils vont voir avec le médecin, qui ne rappelle pas non plus.
Je tiens également à jour quotidiennement un tableau pour le Dr Pellet, avec tension et température. J’ai fait un tableau Excel, le docteur m’en a félicité ! Enfin, je scanne les comptes-rendus de mes consultations pour les autres équipes médicales.
Quels bénéfices de nos T-shirts sur les soins à domicile ?
Quand l’infirmière passe le matin pour brancher ma perfusion de nutrition parentérale à domicile, j’ai juste à défaire les boutons-pression des deux côtés avant qu’elle n’arrive. Elle peut ainsi atteindre le cathéter tunnelisé que j’ai dans le thorax pour brancher.
Le soir, on ouvre, elle rince, met le TauroLock®, le refixe. [NdLR : le TauroLock® est une solution qui assure un verrou antimicrobien du cathéter].
Comme ça, on n’est pas obligé d’enlever le vêtement. Parce que c’est difficile de tout enlever quand on a un simple tee-shirt. Ce n’est pas pratique du tout.
Les infirmières qui s’occupent de moi apprécient beaucoup. Quand elles ont vu le tee-shirt, elles ont dit « c’est quoi ça ? ». Je leur ai montré. « C’est bien ça pour nous ! ». Je leur ai dit que pour moi aussi ! Alors je leur ai donné un catalogue, pour qu’elles puissent en parler à d’autres patients. Ils pourraient également intéresser des patients sous chimio.
Je ne porte pas de manches longues, je préfère mettre un gilet par-dessus un tee-shirt à manches courtes.
Le cathéter passe par le bas de la manche. C’est pratique quand je sors avec le sac à roulettes fait exprès pour cet usage.
Et le tissu me va très bien ! Bref, je ne pourrais plus les quitter ces tee-shirts, c’est sûr.
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Une anecdote de fin ?
Le kiné un jour me dit :
« Bon il faut qu’on prenne rendez-vous pour la semaine prochaine. Lundi après-midi ? »
« Ah non ce n’est pas possible. »
« Comment ça c’est pas possible ? »
« Car j’ai rendez-vous en consultation de pneumo. »
« Bon d’accord, mercredi après-midi alors. »
« Ah non ce n’est pas possible. »
« Comment ça c’est pas possible ? »
« Non, car j’ai rendez-vous en consultation de cardio. »
« Bon ben vendredi après-midi alors. »
« Ce n’est toujours pas possible car j’ai rendez-vous au CHU en consultation d’urologie. »
« Moi j’ai trouvé la solution. Vous plantez une caravane sur le parking du CHU et j’irai vous voir là-bas. »
Un immense merci à Madame Courivaud de ce partage d’expérience de nutrition parentérale à domicile, de son humour, de sa gentillesse, de son sourire, de sa bonne humeur malgré un parcours semé d’obstacles !