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Le portrait d’une socio-esthéticienne

Notre quête pour l’amélioration de la qualité de vie des patients nous a conduites à nous intéresser à la socio-esthétique, un soin de support très important. Nous avons eu le plaisir d’échanger avec Hélène Nicolle Gehant qui nous a parlé de son métier, peu connu du grand public. Pourtant, il se révèle d’une grande importance pour les personnes atteintes d’une maladie.  Par conséquent, il nous tenait à cœur de vous le présenter.

En voici d’abord la définition officielle, selon le CODES, diplôme certifiant au métier de socio-esthéticienne. La socio-esthétique est « la pratique professionnelle de soins esthétiques auprès de populations souffrantes et fragilisées par une atteinte à leur intégrité physique (maladie, accident, vieillesse, etc.), psychique (maladies mentales, addictions, etc.) et/ou en détresse sociale ».

Portrait d’une praticienne passionnée par son métier.

Comment êtes-vous arrivée à la socio-esthétique ?

Portrait d'Hélène Nicolle Géhant, pratiquant la socio esthétique qui est un soin de support

Depuis mon enfance, j’aime prendre soin des autres. Aussi, le métier d’esthéticienne m’a toujours plu. Toutefois, j’ai véritablement trouvé ma voie lorsqu’une amie de ma petite sœur est tombée malade ; elle souffrait d’anorexie. Quand elle est sortie de sa maladie, elle nous a dit qu’elle avait rencontré une socio-esthéticienne qui l’avait beaucoup aidée. J’ai donc entrepris des recherches sur ce métier.

Ensuite, après un bac sciences médico-sociales puis un B.T.S. esthétique, je me suis formée pendant un an au C.O.D.E.S. (Cours d’esthétique à option humanitaire et sociale). Puis, j’ai travaillé une année en tant qu’esthéticienne avant de répondre à un projet de l’hôpital Édouard Herriot en 2008.

Depuis, je suis présente aux services de cancérologie à la clinique protestante de Caluire-et-Cuire et à l’hôpital Édouard Herriot, ainsi qu’à la polyclinique de Rillieux-la-Pape.

Pour moi, il s’agit d’un métier passion et d’une véritable vocation.

Socio pour social dans socio-esthétique ?

En effet, mis à part notre formation d’esthéticienne, durant le C.O.D.E.S, nous recevons des enseignements sur le médical et le social. Il s’agit de cours très variés qui englobent de nombreux domaines : le médical (appréhender les effets secondaires de telle maladie), la psychiatrie (étudier les pathologies afin de réaliser les soins au mieux), la psychologie (être prêt à faire face à une fin de vie et à la mort), etc. On nous apprend également à gérer et à évacuer nos émotions.

Y a-t-il des professionnels hommes en socio-esthétique ?

À ma connaissance, il y en a très peu.

Qu’aimez-vous dans le fait de prendre soin des autres ?

J’aime pouvoir apaiser les angoisses et les douleurs des patients, être en mesure de les soulager. En outre, le fait de pratiquer des soins mais aussi de pouvoir être présente et être à leur écoute me permet de me sentir utile.

Mon métier est une véritable vocation, en somme, me lever le matin n’a jamais été un problème.

En effet, j’ai besoin du contact humain et de ressentir les douleurs du corps. Dans les instituts d’esthétique, les massages ont une durée déterminée. Dans mon métier, le corps et l’esprit expriment leurs douleurs et on se doit d’être à leur écoute, peu importe le temps que cela prend.

Quels types de soins dispensez-vous ? Sont-ils mixtes ?

Je pratique des massages du corps ou d’une partie du corps, des soins du visage, des manucures et pédicures, puis des ateliers maquillage (sourcils et cils). J’accompagne aussi les patients lors de la chute des cheveux (coupe, turban et perruque) et lors du moment joyeux de la repousse.

Le soin des ongles en socio esthétique, un soin de support en cancer notamment
massage du pied en socio esthétique, un soin de support notamment en cancer
Je pratique les mêmes soins auprès des femmes et des hommes. En fonction de mon lieu d’exercice, je suis plutôt en présence de femmes ou d’hommes.

Ainsi, à la Clinique Protestante et à Rillieux, où j’exerce pour Europa Donna, j’accompagne des femmes atteintes du cancer du sein. A Grange Blanche, où j’exerce pour la Ligue contre le cancer, mes soins s’adressent à des patients mixtes.

D’ailleurs, un tiers de mes patients sont des hommes.

J’ai également mis en place un protocole pour anticiper et apaiser les effets secondaires des traitements. Ce dernier soin est un véritable challenge pour moi car je ne tolère pas la souffrance, aussi cela me tient à cœur de trouver des solutions pour gommer ces effets.

Quel effet secondaire peut-il être amélioré ?

Le rash cutané. En cause, des tumeurs digestives ou certaines chimiothérapies qui occasionnent une brûlure de la peau associée à de l’acné. Il s’agit d’une véritable souffrance pour les patients puisque parfois le traitement doit être stoppé.

J’œuvre pour mettre en place des soins préventifs. Ce n’est pas toujours aisé car cela demande d’accompagner le patient dès le début de sa prise en charge afin, notamment, de lui transmettre de bonnes informations.

La formation traite-t-elle des effets secondaires ?

Oui mais nous travaillons toutes différemment. Certaines souhaitent rester sur tel type de soin alors que d’autres ont envie d’aller plus loin. En ce qui me concerne, j’essaie d’être force de proposition.

Lorsqu’un patient souffre d’un effet secondaire, j’essaie de trouver une solution pour apaiser sa souffrance. Je ramène même du travail à la maison ! Il s’agit d’un métier qui passe par l’esprit et par le corps : on travaille avec notre âme.

Votre métier se pratique-t-il uniquement à l’hôpital ?

Il est probable que certaines socio-esthéticiennes aient un espace extérieur. Toutefois, selon mes connaissances, les socio-esthéticiennes ne se déplacent pas à domicile ni n’exercent dans un cabinet. Afin de remédier à cela, je travaille actuellement à la création d’un site Internet pour mettre en place des choses.

En effet, il s’agit d’une réflexion que j’ai eue pendant le premier confinement. Comme nous ne pouvions plus exercer, les patients étaient isolés. Nous réalisions un accompagnement par téléphone mais c’était insuffisant, la socio-esthétique ayant besoin d’un contact physique, comme tout autre soin de support.

Y a-t-il un moment idéal pour intervenir ?

Il n’y a pas de moment idéal. C’est le patient qui détermine le bon moment. Intervenir en amont permet d’informer le patient notamment sur la liste des effets secondaires mais, selon les personnes, cela peut être trop angoissant. D’une personne à l’autre, le besoin est différent.

Quelle prise en charge de la socio-esthétique ?

Les prestations de socio-esthétique, qui est un soin de support, sont gratuites pour les patients. En conséquence, cela permet de toucher le plus grand nombre.
D’ailleurs, l’absence de transaction d’argent est très appréciable. Cela nous permet de donner des conseils sur des produits esthétiques sans donner l’impression au patient que l’on cherche à le lui vendre. Des barrières inconscientes sont levées.
Le sourire d'Hélène Nicolle Géhant adressé aux patients qu'elle accompagne en socio esthétique
[NDLR : les coûts de socio-esthétique, soin de support non inclus dans les budgets hospitaliers, sont pris en charge par les associations, notamment à travers les dons qu’elles reçoivent].

Y a-t-il un maintien de l'offre en période Covid ?

Oui pour la socio-esthétique, nous pouvons travailler pendant ce deuxième confinement avec beaucoup de protections et de précautions.

Face à la détresse des patients durant le premier confinement, les soignants ont tenu à la présence des socio-esthéticiennes au sein des hôpitaux. Toutefois, ceci est propre à la politique de chaque établissement.

Malheureusement, la Covid ne donne plus de visibilité aux autres pathologies, au détriment des traitements de ces personnes. Pourtant, le cancer existe toujours et des personnes se battent, souvent seules, face à elles, sans aide de la socio-esthétique ou de tout autre soin de support pour leur procurer bien-être et soulagement.

Comment les patients accèdent-ils à vos services ?

En général, lors des chimiothérapies, les infirmières coordinatrices orientent le patient vers les socio-esthéticiennes. Le personnel soignant parle également de notre métier.

À titre personnel, je me déplace au sein des chambres des patients afin de me présenter. En fonction du sexe du patient, je ne présente pas mon métier de la même manière.

La femme va immédiatement être partante alors que l’homme se montrera plus réticent. Souvent, ils finissent par avoir envie d’essayer ou, à force de venir les voir, un lien finit par se créer. Cependant, les patients ont le choix d’accepter ou non les soins des socio-esthéticiennes.

Les soins, en revanche, ne diffèrent pas selon le sexe. Le massage pour le corps rencontre un grand succès chez l’homme. Il s’agit du soin que je réalise le plus mais aussi le plus important pour retrouver l’estime de soi.
massage de la main en socio esthétique, un soin de support

Réalisez-vous des soins pendant la chimio ?

Oui. Avant, pendant, après, cela n’a pas grande importance. Ce qui importe, c’est le besoin du patient.

Dans deux des établissements où j’officie, j’ai la chance d’avoir une salle pour réaliser mes soins ou de pouvoir les dispenser en chambre individuelle.

Le patient doit-il se vêtir d’une certaine manière ?

Non, nous nous adaptons. Pour pratiquer les soins, les patients sont partiellement dénudés lorsque l’intimité le permet. Je couvre le corps au fur et à mesure du massage. En chambre, je soigne plutôt une partie du corps.

Pratiquez-vous la socio-esthétique après traitements ?

Bien sûr, les patients ont le droit de nous solliciter. Souvent, nous servons de passerelle entre la maladie et l’après.

En général, les socio-esthéticiennes font comprendre aux patients qu’il n’est plus nécessaire de continuer, en espaçant les rendez-vous par exemple. Certains patients ont du mal à se détacher de ce qui leur faisait du bien pendant le traitement.

Pour certains patients, leur vision de la vie reste la même car ils n’ont pas forcément accepté de faire un travail sur eux ou n’en n’ont pas eu le désir ou la force. Pour eux, les séances s’arrêteront plus rapidement par leur choix, car le retour à leur vie d’avant est important. Je n’ai pas besoin de leur faire comprendre qu’ils peuvent prendre leur envol.

Pour d’autres enfin, le contact ou la venue à l’hôpital est plus difficile et ils arrêteront dès la fin des traitements.

En général, les socio-esthéticiennes font comprendre aux patients qu’il n’est plus nécessaire de continuer, en espaçant les rendez-vous par exemple. Il n’y a donc pas un temps défini. Certains patients ont du mal à se détacher de ce qui leur faisait du bien pendant le traitement.

Quelle incidence des soins sur l'estime de soi ?

Pendant le parcours de soin, les patients supportent mieux le traitement grâce aux soins de socio-esthétique (cf. Socio-esthétique et bien-être des patients avec un cancer). En outre, ils se réconcilient peu à peu avec leur corps. Se sentir cocooner et prendre soin de son corps concourent à retrouver l’estime de soi. Et l’estime de soi concourt à la réussite du traitement.

différents types de massages dans le cancer
Les socio-esthéticiennes sont neutres, elles peuvent donc écouter une colère et/ou faire tampon avec le reste de l’équipe si nécessaire.

Par le toucher du massage, je permets à l’inconscient de renouer ou d’accepter ce corps meurtri par la maladie.

Par l’écoute et l’échange, je permets à l’esprit d’accepter la venue de la maladie qui a bouleversé leur vie.

Et grâce à tout ce mélange, le patient (re)trouve son estime et sa confiance en soi

Intervenez-vous en socio-esthétique auprès d’ados ?

Non, je n’interviens pas auprès d’enfants ou d’ados. Je n’ai pas assez de recul pour cette prise en charge pour le moment.

Rigolez-vous avec vos patients ?

Oui nous abordons même des sujets tabous, comme la sexualité. Cela permet de détendre l’atmosphère.

Quel beau métier ! Surtout quand il est exercé avec passion.

Nous avons eu beaucoup de plaisir à échanger avec Hélène et la remercions très chaleureusement pour sa disponibilité et sa gentillesse. Nous sommes convaincues des bénéfices apportés par la socio-esthétique à la qualité de vie des patients : à quand la prise en charge de ce soin de support qui impacte favorablement l’acceptation des traitements ?

A nouveau merci à Gwladys Seabra pour la rédaction de cet article !

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