Convaincue par l’intérêt de cette démarche, je vais la tester à titre personnel et familial. Quand on devient aidant d’aidant, on réalise en effet rapidement la somme de difficultés à affronter, aux niveaux humain, administratif, matériel. Trouver de l’aide s’avère alors nécessaire.
D'où vient ton expertise d'aide aux aidants familiaux ?
Cela a commencé par un BEP Carrières sanitaires et sociales. J’y ai appris à prendre soin de publics fragiles : personnes âgées, malades ou en situation de handicap, enfants.
J’ai ensuite poursuivi ma formation par un Master Management des Organisations Sanitaires et Sociales.
En parallèle de mes formations, j’ai toujours travaillé, plus particulièrement avec les personnes âgées. J’ai commencé dans l’aide à domicile, pendant mon BEP (weekends et vacances). J’ai continué dans des établissements d’accueil de personnes âgées, notamment en remplacement de directeurs.
A la suite de mes études, j’ai pris la direction d’une résidence autonomie. J’ai ensuite occupé un poste de responsable de secteur dans un groupe pour accompagner les familles dans l’orientation en maison de retraite.
Au cours de cette douzaine d’années, j’ai ainsi acquis une expérience à 360°, du maintien à domicile jusqu’à la vie en établissement, de la résidence autonomie à l’EHPAD (Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes).
J’ai d’autre part fait le constat répété que les personnes qui ont besoin d’aide et leurs proches se sentent perdues. Elles manquent d’informations sur ce qu’il faut faire.
Quant aux professionnels de santé, ils ne peuvent pas tout connaître des solutions d’accompagnement des aidants, ni n’ont toujours le temps de faire des recherches exhaustives.
Mon projet actuel a ainsi fait son chemin dans ma tête. J’avais toujours travaillé de manière isolée, que ce soit sur le terrain au domicile des personnes accompagnées ou dans mes postes de management, prise entre ma hiérarchie et les familles.
Confortée par mon expérience personnelle d’aidant naturel, j’ai alors décidé de lancer une activité à mon compte, pour accompagner les aidants.
Peux-tu nous raconter ton vécu d'aidant familial ?
J’ai été proche aidant de mes grands-parents pendant 2-3 ans, notamment pendant la période du Covid. Plus proche d’eux géographiquement que le reste de ma famille, j’ai naturellement assumé ce rôle d’aidant principal.
J’avais également l’avantage de ne pas travailler à cette période, j’étais en train de construire mon projet entrepreneurial. Alors que les personnes de ma famille travaillaient.
Mes deux proches n’habitaient pas au même endroit, ma grand-mère à 20 minutes de mon domicile et mon grand-père à 1 heure. Ils n’avaient pas non plus les mêmes problématiques, l’une souffrant de maladie et l’autre d’isolement. Cependant, ils restaient tous deux relativement autonomes.
Ils bénéficiaient par ailleurs d’aide à domicile par des auxiliaires de vie qui s’occupaient des tâches du quotidien, notamment le ménage. Il m’arrivait d’aller faire les courses avec eux. Étant véhiculée, cela simplifiait l’achat de choses lourdes.
Je pouvais également les aider dans l’organisation du quotidien : la gestion des rendez-vous médicaux (auxquels je les accompagnais) et de l’administratif, des papiers.
Mon rôle consistait cependant essentiellement à les soutenir, les booster. Et surtout, à parler, beaucoup, prendre du temps ensemble pour échanger, sortir, rigoler.
Je n’avais pas conscience, à ce moment-là, d’être aidante. Car le statut d’aidant ne nous tombe pas dessus, on devient aidant familial dans les faits lorsqu’on aide un membre de sa famille. Il peut y avoir différentes motivations derrière ce geste (amour, devoir, loyauté, responsabilité…), liées à ses propres valeurs. Dans mon cas, j’aidais juste mes grands-parents par amour.
Qu'as-tu retiré de ton expérience de proche aidant ?
J’ai notamment apprécié les relations nouées avec mes grands-parents. Ils pouvaient plus facilement parler de tout à leur petite-fille et me faisaient ainsi beaucoup de confidences.
D’autre part, j’ai apprécié la grande confiance témoignée par mes proches, aussi bien ceux que j’accompagnais que le reste de ma famille.
J’ai par ailleurs appris tellement de choses sur moi, dans le positif comme le négatif. J’en suis ressortie très forte.
J’ai appris la patience, la persévérance, la négociation, l’adaptabilité. Cela te renvoie à ton image, tes propres manquements, aux choses à améliorer. Tu n’en ressors pas la même.
Bien sûr que cette expérience a également pesé sur mon quotidien. Au niveau de la fatigue, de l’organisation qu’elle m’a imposée, de la charge mentale ajoutée. En termes émotionnels aussi : quand son proche ne va pas bien, qu’il est en colère ou démoralisé ou triste après avoir reçu une mauvaise nouvelle par exemple, cela a des répercussions sur l’aidant. Si on arrive plein de joie de vivre, on a un moment de culpabilité. Parfois, je n’avais plus envie de sortir.
Mais, au global, j’ai bien aimé avoir cette responsabilité.
Qu'implique le fait de s'occuper d'un parent âgé ?
J’identifie 3 phases dans la vie d’un parent âgé.
La première, pouvant durer plusieurs mois, commence avec la nouvelle de la maladie. Elle consiste à mettre en place les aides humaines et matérielles au domicile du parent. Il s’agit notamment de l’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie) accordée par les départements.
Une fois les aides obtenues, commence la phase de leur concrétisation. Il faut chercher des prestataires par rapport aux besoins de la personne, trouver ceux qui lui conviennent et qu’elle accepte de laisser intervenir chez elle. Il s’agit d’organiser le quotidien, de mettre en place les bonnes routines.
La troisième phase porte sur la mise en place d’activités qui entretiennent le lien social.
Pour mes grands-parents, comme je savais comment faire, j’ai pu mettre en place rapidement les aides nécessaires.
Mais quand on doit accompagner son proche sur ces différentes phases, et qu’on n’est pas orienté par un professionnel de santé, on nage. Quand on ne connaît pas, les différents acteurs du parcours de soins restent difficiles à identifier.
Si le médecin n’en parle pas, on ne va pas avoir le reflexe de chercher une assistante sociale, en passant par la mairie. L’assistante sociale peut en effet aider sur la première phase, à trouver les aides applicables et à en faire la demande.
Tout le monde ne connaît pas non plus le nouveau métier de care manager créé au sein des structures de services d’aide à la personne. Il a pour rôle de coordonner la mise en place des différentes interventions au domicile (infirmière, kinésithérapeute…).
Les aidants se débrouillent comme ils peuvent. Ils cherchent sur Internet et interrogent les personnes de leur réseau (amis, voisins, commerçants..). Ils collectent ainsi des bribes d’informations qu’il faut ensuite assembler. Ce n’est ni simple ni nécessairement complet.
D’où l’importance d’accompagner les aidants dans ce parcours.
Quelle offre de service pour accompagner les aidants ?
Je peux intervenir à toutes les étapes comme un référent, quelqu’un qui centralise.
J’accompagne aussi bien sur les démarches qu’il faut faire que sur ce que vit le patient, par les notions en soins et en santé que j’ai.
J’arrive à expliquer de manière simple aux familles ce que le médecin a dit en termes plus compliqués. Et à orienter vers les bons acteurs de l’écosystème.
Je ne viens pas en doublon d’autres acteurs. Sur la mise en place des aides par exemple, je ne remplace pas l’assistante sociale qui aide à constituer le dossier de demande. J’informe les aidants qu’il faut faire la demande d’aide, en sollicitant une assistante sociale si besoin. Et je réponds à leurs questions éventuelles.
Je ne vais pas non plus réaliser les missions d’un care manager. Je peux en revanche accompagner les aidants à la recherche de la structure d’aide à domicile et à la comparaison des différentes offres.
Ma principale valeur ajoutée réside sur comment aider mon proche au quotidien, comment communiquer avec lui, comment acquérir les bonnes pratiques. L’objectif est d’alléger la charge émotionnelle de l’aidant et lui permettre de prendre du recul sur la situation. En remettant de la rationnalité dans l’analyse des situations, l’aidant pourra alors sereinement prendre les bonnes décisions.
Je pars du besoin de l’aidant et de ses objectifs pour les intégrer dans la manière d’aider son proche. Il doit maintenir son équilibre de vie pour bien prendre soin de son proche. Sinon, il s’épuise.
Je peux intervenir auprès des aidants directs, comme le conjoint qui vit sous le même toit. Ou des aidants indirects, comme les enfants, qui viennent en soutien de l’aidant principal.
Je transmets aux aidants les bases que j’ai acquises pour aider leur proche de manière efficiente et passer de meilleurs moments avec lui.
Quelques exemples de ton soutien aux aidants ?
Quand le proche est dans le refus par exemple, on peut se braquer et prendre ce refus pour soi. Ou au contraire, aller « voir sa carte », comprendre ce qu’il voit, entend et vit. Et pouvoir ainsi lever les éventuels points de blocage.
Pour cela, j’utilise beaucoup les outils de PNL (Programmation Neuro-Linguistique) pour faire travailler l’aidant sur ses pensées limitantes et ses appréhensions. Et l’aider à éliminer les réactions émotionnelles néfastes, qui provoquent de l’anxiété ou conduisent à un comportement inadéquat.
Autre exemple en ce qui concerne les gestes effectués au quotidien : il y a un certain nombre de bonnes pratiques pour aider son proche à se lever, se laver, s’habiller, en évitant les troubles musculaires. Je les transmets alors aux aidants pour la mise en place de routines qui soulagent.
Troisième exemple : une famille n’arrivait pas à se décider entre 3 options. Elle hésitait entre une maison de retraite, le maintien au domicile ou le retour au pays d’origine. Après les avoir écoutés, j’ai posé les choses de manière rationnelle, en présentant les avantages et inconvénients de chaque solution. En sortant la partie émotionnelle de l’équation, je leur ai permis de prendre une décision éclairée.
Quels bénéfices pour les personnels soignants ?
Mon offre est très bien accueillie par les soignants comme par les médecins.
Comme pour tous les acteurs du domaine, ils ont en effet à cœur d’accompagner au mieux leurs patients et les aidants qui prennent le relais.
Mais l’écosystème sanitaire et social, très vaste, comprend beaucoup d’acteurs et de statuts. Les soignants ne peuvent tout connaître ni n’ont le temps nécessaire à tout expliquer aux patients et à leurs familles.
L’expertise d’accompagner les aidants constitue donc un complément essentiel dans cette chaîne du soin.
Quelles prochaines étapes pour accompagner les aidants ?
Pour aller plus loin dans mon offre d’accompagner les aidants, je travaille sur la création d’une base de ressources avec des fiches pratiques où les personnes pourront trouver l’information recherchée.
L’idée n’est pas de donner trop d’informations mais l’information utile à un instant t. Se retrouver confronté à de nouvelles situations génère stress et fatigue. Savoir quoi faire dans telle situation permet de retrouver son calme et d’avancer.
Merci à Cindy-Niya pour ce partage et pour l’offre d’accompagnement qu’elle a construit et enrichit au fur et à mesure.
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