L’art thérapie fait partie des thérapies complémentaires recommandées pendant un cancer.
Ces pratiques non conventionnelles viennent en complément des traitements et des soins de support.
Elles concourent à améliorer la qualité de vie des patients et sa santé, et à prévenir les risques de récidive.
Partons à la découverte des bienfaits de l’art dans la maladie avec l’interview de Béatrice, une amie ayant traversé une expérience de cancer. Béatrice est un modèle de résilience pour nous. Toujours en traitement d’hormonothérapie, elle souffre également de fibromyalgie et vit avec des douleurs permanentes.
Rien ne l’empêche cependant d’avoir le sourire et de partir à la découverte de nouvelles pratiques artistiques.
Elle a accepté de partager avec nous des photos de ses œuvres dont nous sommes fans ! A quand une exposition ?
Ces pratiques non conventionnelles viennent en complément des traitements et des soins de support.
Elles concourent à améliorer la qualité de vie des patients et sa santé, et à prévenir les risques de récidive.
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Elle a accepté de partager avec nous des photos de ses œuvres dont nous sommes fans ! A quand une exposition ?
Table des matières
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Pratiquais-tu une activité artistique avant le cancer ?
L’art m’a toujours attirée. Je me suis souvent émerveillée devant ceux qui jouent d’un instrument de musique, qui sculptent. Je trouve merveilleux de prendre un morceau d’un bloc de terre ou de pierre et d’arriver à en sortir quelque chose, même si le résultat n’est pas joli. Prendre un crayon et crayonner comme ça sur un bout de table et sortir un visage, pour moi, c’est magique.
Je retrouve cette magie dans mon travail au sein d’un cabinet d’architectes. Un bâtiment né dans la tête d’un architecte, puis mis sur papier, sort de terre à l’image de ce que son auteur avait imaginé.
Je retrouve cette magie dans mon travail au sein d’un cabinet d’architectes. Un bâtiment né dans la tête d’un architecte, puis mis sur papier, sort de terre à l’image de ce que son auteur avait imaginé.
J’ai toujours été émerveillée par cette capacité, ce don qu’ont certains de faire quelque chose de beau de leurs mains. L’esprit créatif et la main qui sert d’outil, fabrique et crée.
Mais je n’avais jamais senti en moi de capacité particulière à faire quoi que ce soit. Quand on avait des cours de dessin à l’école, franchement je n’y voyais pas un intérêt particulier.
Mais je n’avais jamais senti en moi de capacité particulière à faire quoi que ce soit. Quand on avait des cours de dessin à l’école, franchement je n’y voyais pas un intérêt particulier.
As-tu sauté le pas artistique pendant le cancer?
Non, c’est deux ans avant environ. Comme ça m’a toujours attirée, je me suis inscrite à 5 ateliers pour sculpter dans du Siporex. Tout en étant toujours convaincue de ne pas être franchement douée de mes mains pour faire ce genre de choses…
Le Siporex est un béton cellulaire, qui se présente sous forme de parpaings. On s’en sert notamment dans les salles de bain. C’est un matériau assez léger, assez friable aussi. Il peut se travailler facilement en sculpture, à la râpe ou au ciseau pour en faire des objets.
Au final, quand j’en suis ressortie, j’avais fait plein d’objets qui n’étaient pas nuls. Je me suis rendue compte que je savais appréhender la 3D, ce qui n’est pas évident.
Le Siporex est un béton cellulaire, qui se présente sous forme de parpaings. On s’en sert notamment dans les salles de bain. C’est un matériau assez léger, assez friable aussi. Il peut se travailler facilement en sculpture, à la râpe ou au ciseau pour en faire des objets.
Au final, quand j’en suis ressortie, j’avais fait plein d’objets qui n’étaient pas nuls. Je me suis rendue compte que je savais appréhender la 3D, ce qui n’est pas évident.
Dessiner à plat, c’est une autre manière d’appréhender la 3D, on essaye après d’y mettre une perspective avec des jeux d’ombre et de lumière.
Mais pour sculpter, on part d’un bloc carré ou rectangulaire dans lequel on taille pour en faire des formes. Il faut réussir à se projeter dans l’objet, tourner autour, avoir une vision en trois dimensions. Ce n’est pas un exercice facile, et en même temps, ça ne m’a pas paru si compliqué que ça, donc je l’ai fait.
J’ai essayé d’en faire un peu à la maison mais sculpter dans du Siporex produit beaucoup de poussière et fait un peu de bruit. J’ai donc vite arrêté car la maison n’était pas adaptée à ce genre d’activités.
Je n’ai pas recommencé avant mon cancer car j’ai dû gérer le décès de maman.
Mais pour sculpter, on part d’un bloc carré ou rectangulaire dans lequel on taille pour en faire des formes. Il faut réussir à se projeter dans l’objet, tourner autour, avoir une vision en trois dimensions. Ce n’est pas un exercice facile, et en même temps, ça ne m’a pas paru si compliqué que ça, donc je l’ai fait.
J’ai essayé d’en faire un peu à la maison mais sculpter dans du Siporex produit beaucoup de poussière et fait un peu de bruit. J’ai donc vite arrêté car la maison n’était pas adaptée à ce genre d’activités.
Je n’ai pas recommencé avant mon cancer car j’ai dû gérer le décès de maman.
Qu’est-ce qui t’a conduite à essayer l’art-thérapie ?
Dès mon diagnostic, j’ai contacté la Ligue contre le Cancer pour assister au groupe de parole. J’y allais un jeudi sur deux, une heure et demi l’après-midi avec d’autres personnes. Des femmes principalement y participaient, pas forcément atteintes de cancers féminins mais d’autres cancers aussi. Il est dommage que les hommes n’y participent pas.
J’avais donc naturellement des informations sur les antennes de la Ligue dans les hôpitaux. J’ai ainsi découvert Au Fil de Soi, l’espace Ligue à la Croix-Rousse, qui proposait des ateliers d’art-thérapie aux patients traités pour un cancer. Je m’y suis alors inscrite.
J’avais donc naturellement des informations sur les antennes de la Ligue dans les hôpitaux. J’ai ainsi découvert Au Fil de Soi, l’espace Ligue à la Croix-Rousse, qui proposait des ateliers d’art-thérapie aux patients traités pour un cancer. Je m’y suis alors inscrite.
Comment as-tu vécu les ateliers d’art-thérapie ?
J’allais sur place, je ne me souviens plus à quelle fréquence. Je n’ai pas dû y aller très souvent car c’est au moment où j’ai attaqué le Taxol. Ce traitement m’a cramé les extrémités des doigts. Je me suis retrouvée pendant plusieurs mois avec seulement quatre doigts mobilisables : les annulaires et les auriculaires. Donc pas très pratique pour dessiner sans la main qui est l’outil principal !
J’ai démarré l’atelier en étant la seule participante. Une intervenante l’animait. Une élève en psychologie était également présente pour observer dans le cadre de son mémoire.
Elle m’a fait travailler sur l’aquarelle. Cette technique me faisait envie mais je ne la maîtrisais pas et ne savais pas par quel bout la prendre. Il ne s’agissait pas d’un cours. Elle m’a donné des pinceaux, de la peinture et la liberté d’exprimer ce que je voulais.
J’ai démarré l’atelier en étant la seule participante. Une intervenante l’animait. Une élève en psychologie était également présente pour observer dans le cadre de son mémoire.
Elle m’a fait travailler sur l’aquarelle. Cette technique me faisait envie mais je ne la maîtrisais pas et ne savais pas par quel bout la prendre. Il ne s’agissait pas d’un cours. Elle m’a donné des pinceaux, de la peinture et la liberté d’exprimer ce que je voulais.
Mais le contexte ne m’a pas convenu, je ne l’ai pas trouvé confortable.
J’aurais aimé ne pas être seule mais dans un groupe, avec d’autres personnes. L’interaction avec d’autres personnes qui sont comme toi, dans le même parcours, apporte énormément. Elle libère de la peur de montrer notre état physique, au milieu de gens qui vivent la même chose.
Avec le recul, je pense que ce n’était pas le bon médium pour moi. Je ne me sens pas à l’aise avec l’aquarelle. Et puis, je n’étais pas dedans. L’art-thérapie est un moyen d’exprimer ses émotions pendant son cancer. Sauf qu’à ce moment-là, elles ne sortaient pas chez moi. Je n’étais pas détendue. En fait, je crois que je me focalisais complètement sur la maladie et mes soins.
Donc honnêtement, ce n’est pas à ce moment-là que l’art-thérapie m’a apporté quelque chose, mais après le cancer. Le contexte n’y était pas favorable.
J’aurais aimé ne pas être seule mais dans un groupe, avec d’autres personnes. L’interaction avec d’autres personnes qui sont comme toi, dans le même parcours, apporte énormément. Elle libère de la peur de montrer notre état physique, au milieu de gens qui vivent la même chose.
Avec le recul, je pense que ce n’était pas le bon médium pour moi. Je ne me sens pas à l’aise avec l’aquarelle. Et puis, je n’étais pas dedans. L’art-thérapie est un moyen d’exprimer ses émotions pendant son cancer. Sauf qu’à ce moment-là, elles ne sortaient pas chez moi. Je n’étais pas détendue. En fait, je crois que je me focalisais complètement sur la maladie et mes soins.
Donc honnêtement, ce n’est pas à ce moment-là que l’art-thérapie m’a apporté quelque chose, mais après le cancer. Le contexte n’y était pas favorable.
Quand as-tu renoué avec l’art à travers la sculpture ?
En septembre 2019, un an après la fin de mes traitements, je voulais retrouver la sculpture, plutôt dans la pierre. Mais je ne trouvais pas d’atelier qui me corresponde pour faire de la taille de pierre. J’ai donc décidé d’essayer de sculpter dans la terre, même si c’est un matériau qui m’attirait moins au départ.
J’ai trouvé une association à Oullins, l’UAICF (Union Artistique et Intellectuelle des Cheminots Français). Elle fournit l’espace de travail, la terre, un four, un intervenant, des outils. On a une liberté totale sur les objets qu’on souhaite faire. Tous les mercredis, j’y retrouve pendant trois heures un petit groupe très sympa, avec des visions différentes.
Je découvre le travail de la terre, avec ses difficultés propres par rapport à la pierre. Mais également des choses communes : l’appréhension de la 3D, le respect des proportions… En fait, je travaille plein de choses sur ce médium-là aussi. Et pendant que je travaille la terre, je suis connectée à l’objet. Cela m’apporte du calme, ça temporise.
Je découvre le travail de la terre, avec ses difficultés propres par rapport à la pierre. Mais également des choses communes : l’appréhension de la 3D, le respect des proportions… En fait, je travaille plein de choses sur ce médium-là aussi. Et pendant que je travaille la terre, je suis connectée à l’objet. Cela m’apporte du calme, ça temporise.
Ressens-tu de la fatigue en sculptant pendant 3 heures ?
Elle n’est pas la même qu’en faisant des courses par exemple. Pendant les trois heures à l’atelier, je suis dans une bulle où il ne se passe rien d’autre que moi et ce que je suis en train de faire. Donc je ne ressens ni fatigue, ni soif, ni douleur. Je suis dans autre chose. Il n’y a plus rien autour que ce que je suis en train de faire. La terre et moi, point. Je n’ai aucun mal à sculpter pendant trois heures, jusqu’à l’épuisement.
Rester trois heures à faire des courses dans un magasin est juste impossible. Tu piétines, tu stresses, tu as les gens autour de toi qui s’affolent, qui s’inquiètent, qui te rentrent dedans, limite qui te piquent des trucs dans ton caddy, donc c’est épuisant.
Rester trois heures à faire des courses dans un magasin est juste impossible. Tu piétines, tu stresses, tu as les gens autour de toi qui s’affolent, qui s’inquiètent, qui te rentrent dedans, limite qui te piquent des trucs dans ton caddy, donc c’est épuisant.
Que t’apporte la sculpture ?
Le travail de la terre m’apprend une certaine forme de patience. Naturellement, dès que j’ai une idée, je la concrétise tout de suite. Il faut que ça bouge et prenne forme dans l’instant. Alors qu’avec la terre, je dois attendre et trouver le bon moment pour la travailler, lorsque le matériau n’est ni trop mou ni trop sec.
De plus, je ne peux pas nécessairement terminer ce que j’ai commencé. La réalisation de l’objet peut prendre plusieurs semaines !
Il m’apprend également à prendre du recul. Il faut parfois lâcher les outils et s’éloigner de l’objet pour voir là où il faut reprendre.
De plus, je ne peux pas nécessairement terminer ce que j’ai commencé. La réalisation de l’objet peut prendre plusieurs semaines !
Il m’apprend également à prendre du recul. Il faut parfois lâcher les outils et s’éloigner de l’objet pour voir là où il faut reprendre.
Et toutes ces notions-là servent aussi dans la vie de tous les jours. Temporiser les choses, prendre du recul, prendre le temps. Ne plus réagir dans l’instant mais attendre, s’éloigner un peu, analyser les choses, ne pas être dans le jugement.
Ça m’apporte du calme, du bien-être.
Cela me permet de lâcher prise. Je sais que le risque est toujours là, que je ne serai jamais considérée comme guérie. Je serai toujours suivie et aurai tous les ans des examens à faire. J’ai fait un PET scan aujourd’hui, demain j’ai rendez-vous chez l’oncologue. A chaque examen, j’ai toujours un peu peur de ce qu’on va m’annoncer. L’art m’aide à limiter cette peur, à me poser ; il me sert d’exutoire.
Ça m’apporte du calme, du bien-être.
Cela me permet de lâcher prise. Je sais que le risque est toujours là, que je ne serai jamais considérée comme guérie. Je serai toujours suivie et aurai tous les ans des examens à faire. J’ai fait un PET scan aujourd’hui, demain j’ai rendez-vous chez l’oncologue. A chaque examen, j’ai toujours un peu peur de ce qu’on va m’annoncer. L’art m’aide à limiter cette peur, à me poser ; il me sert d’exutoire.
Quel conseil sur l’art-thérapie en parcours de cancer ?
Dans la mesure où on propose des ateliers d’art-thérapie, il faut y aller et tester. Ce n’est pas anodin qu’ils soient proposés : il s’agit de quelque chose pouvant être bon pour nous. Des personnes attentionnées et attentives nous offrent de leur temps et nous accompagnent. Même si on n’en mesure pas tout de suite la portée, il y aura forcément un impact.
Je pense que beaucoup de personnes se révèlent dans ce genre de situations comme la maladie ou un accident. Pas forcément à travers l’art mais dans d’autres domaines. On a du temps pour soi, on peut tester, découvrir.
On prend du recul sur les choses, en se posant la question « est-ce que c’est grave ? ». Si la réponse est non, alors on y va, on tente.
Et très important : ne pas rester seul.
On prend du recul sur les choses, en se posant la question « est-ce que c’est grave ? ». Si la réponse est non, alors on y va, on tente.
Et très important : ne pas rester seul.
Un grand merci à Béatrice pour ce partage !
Nous en retenons que l’art peut constituer une puissante thérapie complémentaire pendant un cancer. En apportant énergie, patience, prise de recul et lâcher prise, il aide à mieux vivre les soins. C’est un bon complément à d’autres soins de support, comme la socio-esthétique par exemple, pour apporter du bien-être au patient.
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