Voici le dernier chapitre du témoignage de Loubna,du @blablaclub.fr, jeune femme atteinte d’endométriose et de spondylarthrite. Il aborde les conséquences des maladies chroniques inflammatoires et de l’errance diagnostique sur le quotidien des patients. Il propose ensuite des pistes d’amélioration pour une meilleure prise en charge.
Les conséquences des maladies chroniques inflammatoires
Impacts psychologiques de l'errance
Dix-sept ans d’errance diagnostique pour l’endométriose, puis 12 ans pour la spondylarthrite ankylosante. Même si elles ne m’ont pas empêchée d’avancer, ces longues années sans savoir ce que j’avais ont eu des répercussions sur ma santé mentale.
Questionnement incessant
Un délai de quelques mois d’attente peut paraître classique. Pour un patient qui souffre, cela représente des mois où il ne sait pas ce qu’il a, où il voit ses symptômes progresser.
L’attente fait naturellement partie de tout parcours médical. La démarche diagnostique se fonde souvent sur la formulation d’hypothèses, testées par des examens qui les confirment ou non. Quand une hypothèse est éliminée, on reprend la recherche pour en trouver d’autres.
Lorsqu’un rendez-vous tant attendu arrive après des mois ou des années d’attente, et qu’il n’en ressort rien, tout l’espoir qu’on y avait mis s’effondre. On éprouve déception, colère, révolte. Et on repart à la case départ.
L’errance, c’est une succession de rendez-vous (imageries, bilans sanguins, spécialistes en tout genre), dont on attend beaucoup mais qui ne nous font pas toujours du bien. C’est un véritable ascenseur émotionnel. Pour moi, il a duré plusieurs années pour chacune des maladies chroniques dont je souffre.
Ces montagnes russes m’ont poussée à faire quelques pauses dans mon parcours médical. J’avais en effet certaines fois besoin de plusieurs jours de répit (sans rendez-vous médicaux, ni suivi). Pour reprendre des forces, de l’énergie, avant de me relancer dans mes recherches et demandes de rendez-vous.
Car trouver le bon interlocuteur peut s’avérer être une véritable course de fond. On se sent parfois perdu et seul dans un labyrinthe dont on ne trouve pas la sortie.
Même si, par mes recherches, j’avais réussi à m’autodiagnostiquer, d’abord pour l’endométriose ensuite pour le rhumatisme inflammatoire, j’avais besoin d’un diagnostic posé par un médecin. Qui le confirme, le précise puis initie un plan de traitement.
Doute et perte de confiance envers le corps médical
Notre parole de patient n’a que très peu de valeur par rapport à celle du médecin. Si un médecin a dit « c’est dans la tête », pour le reste du corps médical et de l’entourage, c’est forcément vrai. Moi, j’ai tenu le coup, j’ai toujours eu confiance en mes ressentis. Je sentais qu’il y avait des pathologies bien réelles derrière tous ces symptômes. J’ai un tempérament à refuser la fatalité, à aller de l’avant.
Ma détermination et mon besoin de savoir m’ont permis de sortir de l’errance. J’ai dû pour cela consulter de nombreux médecins avant de trouver ceux qui ont fini par prendre en considération mes symptômes.
Mais cela pourrait anéantir une jeune femme plus fragile psychologiquement, la mettre facilement en situation de dépression. Comment garder confiance envers le corps médical quand on ne prend pas nos symptômes au sérieux ?
C’est la psychologue que j’ai consultée avant mon diagnostic d’endométriose qui m’a fait prendre conscience de cet impact. Celui de l’errance, de la non prise en considération de mes symptômes, de la douleur, des mots très durs entendus.
Ne pas être crue, s’entendre dire « c’est dans votre tête, arrêtez de vous inquiéter pour si peu », est difficile à vivre. D’autant plus quand le discours est répété au fil des consultations.
Cette image de nous-même, renvoyée par le corps médical et par nos proches alors qu’elle ne nous correspond pas, nous agace plus qu’autre chose.
Impacts psychologiques de l'incompréhension
Les maladies invisibles rendent particulièrement compliquée la compréhension par les autres de ce qu’on vit.
Dans le cas de la fatigue par exemple, je donne l’image d’une personne pleine d’énergie, parce que je ne l’ai jamais laissée dicter mon rythme. Si j’explique à mon entourage qu’au réveil, j’ai trois barres d’énergie avec lesquelles je dois tenir toute la journée, que me préparer en consomme déjà une, personne ne me prend au sérieux.
C’est également vrai de la douleur. Tout le monde finissait par penser que j’étais une chochotte. Alors que j’ai été capable d’endurer des douleurs chroniques depuis toutes ces années. Et que j’ai probablement une résistance à la douleur bien supérieure à la moyenne.
Impacts des maladies inflammatoires sur le quotidien
Contraintes de la fatigue
Je n’ai pas eu le choix que de prendre en compte dans mon quotidien la fatigue. Elle constitue en effet un symptôme commun à la majorité des maladies chroniques, notamment inflammatoires.
Avant, je pouvais régulièrement passer des journées de travail de 17h. Depuis, j’ai pris du recul par rapport à ce rythme. J’ai notamment changé d’activité professionnelle. À mon compte aujourd’hui, je peux ainsi organiser mes journées en écoutant mon corps, en prenant du temps pour moi, en m’autorisant des siestes.
J’ai réduit le stress pour éviter de gaspiller inutilement mon énergie, ressource tellement précieuse. Je joue également sur l’alimentation et les compléments alimentaires pour l’améliorer. Malgré ces stratégies, mes journées restent plus courtes qu’une personne sans inflammation. Et je passe encore par des moments où ma batterie se décharge subitement
J’ai donc adapté mon rythme de vie à mes maladies. Il y a des choses auxquelles je renonce, quand j’ai besoin de me régénérer au calme chez moi. C’était difficile au début, mais aujourd’hui, je ne le subis plus.
J’adore ce nouveau rythme, ce slow down qu’on ne nous apprend pas. Je préfèrerais évidemment l’avoir sans la fatigue… qui reste mon plus gros point noir aujourd’hui.
Poids de la douleur
Avec l’endométriose, la douleur s’est invitée depuis longtemps dans mon quotidien et m’a obligée à mettre en place des stratégies pour la soulager, une routine de vie.
Cela m’a permis de trouver plus supportables les nouvelles douleurs générées par la spondylarthrite, notamment pendant les poussées d’inflammation.
Il y a d’ailleurs des douleurs qui peuvent être causées par les deux pathologies, au niveau du dos et du sacrum. Je n’arrive pas à savoir si elles viennent plutôt de l’endométriose ou de la spondylarthrite.
Ces stratégies s’appuient notamment sur une combinaison de médecines douces, avec des séances régulières de kiné, d’ostéo, de balnéo… L’alimentation et le rythme de vie en font également partie. Ces différentes actions, qui forment un tout, pèsent lourd dans le quotidien, en termes de temps, d’argent et aussi de charge mentale.
Vers une meilleure prise en charge des maladies chroniques
Au niveau du système de soins
Plus d'humilité dans la relation médecin - patient
Par méconnaissance, par crainte de ne pas remplir leur rôle de sachant, ils peuvent préférer dire à un patient « c’est dans votre tête » plutôt qu’avouer ne pas savoir et l’orienter vers un autre professionnel. Ils choisissent ainsi une solution de facilité en mettant leur incompréhension ou méconnaissance sur le compte d’angoisses ou d’hypocondrie.
Par manque de tact et d’empathie, certains médecins ne prennent pas conscience de la portée de leurs paroles. Dire « l’endométriose, c’est comme un cancer sauf que ça ne se soigne pas » est non seulement d’une grande violence mais n’apporte rien aux soins. Idem pour la phrase « c’est dans votre tête ». Le corps médical considère que si les symptômes ne sont pas validés par des examens complémentaires, alors « ce que la patiente décrit n’est pas valide » et c’est reçu par la patiente comme un « on ne vous croit pas ».
J’ai vécu ces différentes attitudes tout au long de mon parcours, certaines fois j’en ai souffert. Il serait bon que les médecins soient considérés comme des humains faillibles qui n’ont pas la science infuse. Il serait nécessaire que certains médecins remettent en question leur façon de pratiquer.
En tant que patient, on sait que les connaissances médicales sont énormes, qu’un certain nombre de maladies, notamment inflammatoires, sont complexes et encore mal connues. On ne s’attend pas à ce que les médecins sachent tout et soient capables de tout diagnostiquer. Evidemment, on ne leur en veut pas de ne pas savoir. On attend seulement d’eux qu’ils nous aident à trouver ou qu’ils nous envoient vers un service plus au fait. On aimerait en fait qu’ils aient l’humilité de le reconnaître et de ne pas laisser le patient au milieu du gué, sans solution.

Un regard différent sur la douleur
La phrase que toutes les femmes atteintes d’endométriose ont le plus entendue dans leur vie est : « c’est normal d’avoir mal ». Cette phrase devrait sortir du vocabulaire médical quand il s’agit de règles, ou de toute douleur chronique.
En participant à un programme d’éducation thérapeutique, j’ai été choquée par la manière dont le médecin, une rhumatologue, l’abordait. Elle parlait d’hypersensibilité à la douleur, qui expliquait le ressenti des patients disant avoir très mal. Comme si une autre personne vivant la même chose la ressentirait avec beaucoup moins d’intensité, voire pas du tout.
Cela ne correspond pas du tout à ce que je vis et ressens. Il y a des jours où je n’ai pas de douleur. Et d’autres où au contraire, elles sont très fortes. Je ne pense pas que l’hypersensibilité explique mes douleurs. Au contraire, il me semble avoir développé un niveau de résistance à la douleur plus élevé que la moyenne des gens. Quand je dis « j’ai mal », il s’agit d’une vraie douleur. D’une douleur sur laquelle les traitements actuels n’agissent malheureusement pas.
Une approche diagnostique à améliorer
Aucun des six premiers rhumatologues que j’ai consultés n’a considéré que mes doigts et orteils gonflés pouvaient évoquer un rhumatisme inflammatoire. Certes, mes bilans sanguins ne montraient ni le gène HLAB 27 ni une CRP très élevée. Certes, mes radiographies ne montraient pas d’atteinte osseuse.
Mais les conférences de rhumatologues que j’ai écoutées mentionnent bien qu’il y a un certain nombre de personnes atteintes de spondylarthrites qui n’ont pas ce gène. Et que les signes ne deviennent visibles que tardivement à la radio.
Cette information, je l’ai trouvée en cherchant sur Internet. Par mes recherches, j’ai fait mon autodiagnostic d’un rhumatisme inflammatoire. Même s’ils ne se reflétaient pas dans les bilans sanguins ni d’imagerie, la liste des différents symptômes que je présentais (douleurs dorsales et sacrées, difficultés à déverrouiller, doigts, orteils et genoux gonflés) m’ont conduite à cette conclusion.
Mon parcours révèle donc des manquements dans le diagnostic de maladies inflammatoires chroniques pourtant connues. Pourquoi la généraliste et les rhumatologues consultés n’ont-ils pas pris au sérieux la gravité des symptômes décrits et poussé les recherches ? Que faut-il modifier dans leur formation initiale pour que cela évolue positivement ?
De nouveaux traitements à inventer
Il y a également des lacunes en matière de traitements médicaux. La plupart de ceux qui m’ont été proposés jusque-là n’ont en effet pas fonctionné.
En matière d’endométriose, seule l’intervention de retrait des myomes utérins a fonctionné. Ni les différentes pilules essayées ni les anti-inflammatoires n’ont quant à eux fait effet.
Pour la spondylarthrite, les anti-inflammatoires constituent également le traitement de première intention. Je n’ai pas constaté d’amélioration notable depuis que j’en prends (moins d’un an depuis que le diagnostic a été posé). Si je m’assois par exemple par terre pendant 10 minutes, je me relève toujours avec les mêmes difficultés de déverrouillage. Mes doigts et orteils sont toujours aussi boudinés.
J’ai récemment commencé le traitement de deuxième intention, la biothérapie. Une personne dans mon entourage, diagnostiquée à l’âge de 12 ans, vit aujourd’hui très bien avec la maladie. Car le traitement de biothérapie a été mis en place tôt dans son parcours.
Si je l’avais reçu plus tôt, cela aurait probablement évité des poussées et les douleurs et atteintes articulaires dont je souffre aujourd’hui. D’où l’importance de réduire l’errance diagnostique.
Une reconnaissance des médecines alternatives
Dans les maladies inflammatoires chroniques, les traitements sont peu nombreux et peuvent manquer d’efficacité. Les médecines douces constituent alors un complément particulièrement précieux.
Elles doivent ainsi pouvoir être proposées dans la durée aux patients atteints de maladies chroniques inflammatoires. Cela nécessite d’abord leur reconnaissance par la communauté médicale, puis par leur prescription en complément des traitements médicaux.
Il faut ensuite assurer leur prise en charge par les autorités de santé. Si la kinésithérapie peut être au moins partiellement couverte, ce n’est pas le cas pour d’autres pratiques comme l’ostéopathie, la micronutrition, malgré les bienfaits qu’elles apportent.
Une information sur la maternité
Le sujet de la procréation devrait être systématiquement abordé par les médecins dans un parcours d’endométriose. Suffisamment tôt pour laisser le temps de la réflexion aux femmes, sans pression, afin qu’elles aient le choix d’avoir ou non des enfants. On ne m’en a jamais parlé pendant mon parcours.
Quand j’ai commencé à y penser, à 36 ans, j’ai dû trouver les informations par moi-même. J’ai démarré les démarches, mais ai réalisé que la congélation d’ovocytes représentait un lourd parcours aussi. Je n’ai finalement pas poursuivi.
J’en parle aux femmes que je rencontre lors de groupes de parole et leur donne les contacts des hôpitaux qui pourront les prendre en charge.
Au niveau des patients et de leur entourage
Patients acteurs
On ne peut pas tout attendre des médecins, ni de la médecine. En tant que patient, on se doit d’intervenir dans son parcours et d’être acteur de sa santé.
On peut procéder à des recherches, notamment quand les médecins ne trouvent pas. Cela permet d’arriver mieux préparé à un rendez-vous médical avec un dossier complet, une liste exhaustive des symptômes dont on souffre, et des questions qu’on souhaite poser.
Car avoir des réponses à ses questions est important, pour comprendre ce qu’on a ainsi que les solutions de soins proposées.
On doit également s’autoriser le temps de la réflexion sur la prise ou non d’un traitement proposé par le médecin. On peut accepter ou refuser si cela ne nous convient pas. Le tout est d’en parler ouvertement au médecin, pour balayer les doutes s’il y en a ou trouver d’autres alternatives. Il y a rarement une seule approche de soin, on doit pouvoir connaître les différentes solutions et en choisir une en connaissance de cause.
On reste en fait maître de notre parcours. Il ne faut pas lâcher quand on est convaincu qu’il y a quelque chose, même si cela suppose d’aller voir plusieurs médecins jusqu’à ce que l’un d’eux nous prenne au sérieux et accepte de pousser les recherches.
Il faut également ne pas hésiter à entrer en négociation avec eux, pour pousser les recherches et obtenir les ordonnances nécessaires, par exemple pour faire de nouveaux examens si la situation ne s’améliore pas.
ETP (Éducation Thérapeutique du Patient)
Participer à un programme d’ETP constitue un bon moyen de devenir un patient acteur.
Pour ma part, j’en ai eu une expérience mitigée. On me l’a proposée très tardivement dans mon parcours, 9 ans après mon diagnostic d’endométriose, dans le service douleur de l’hôpital Saint Joseph.
Autant dire que j’avais mis en place depuis longtemps des stratégies de gestion de mes symptômes.
D’autre part, avec ma reconversion professionnelle dans l’accompagnement (relation d’aide et coaching), j’avais déjà commencé à organiser des groupes de parole pour des femmes atteintes d’endométriose et pour les patients avec rhumatisme inflammatoire.
Je me sentais donc en décalage par rapport aux autres patients du programme, qui n’étaient pas au même stade que moi dans la gestion de leur maladie.
Certains n’avaient d’autre part pas le même rapport que moi à la pathologie. Là où beaucoup semblaient subir la maladie, se laisser définir par elle, j’avais de mon côté toujours refusé de la laisser dicter ma vie. Même si j’avais adapté mon rythme à mes symptômes, je vivais pleinement ma vie et mes relations.
Pour couronner le tout, la rhumatologue qui animait le programme faisait partie des médecins qui m’avaient dit que mes douleurs étaient dans ma tête, et qui était passée à plusieurs reprises à côté du rhumatisme inflammatoire. J’ai ressenti un paradoxe entre sa pratique (aussi bien en secteur public et en secteur privé que j’avais tous deux testés) et le fait qu’elle anime l’ETP. Alors qu’elle ne semblait pas prendre au sérieux les symptômes que j’avais plusieurs fois énumérés lors de nos diverses consultations.
Cela m’a permis de voir en revanche tout ce qui manquait dans ce programme, une meilleure organisation, plus d’espace de parole pour les participants ayant besoin de se livrer…
Sensibilisation
Même si on préfère éviter les sujets de maladie, des campagnes de sensibilisation (dans les collèges, les lycées, les entreprises…) pourraient présenter des avantages.
Elles permettraient de diffuser différents messages au grand public amené à être confronté à la maladie, à titre personnel ou à travers un proche. Ils pourraient porter sur :
- l’écoute des personnes décrivant leur symptôme, sans jugement ni préjugé ;
- la remise à leur juste place des médecins, humains avant tout ;
- l’utilité de prendre en main sa santé, d’être un patient acteur et non passif ;
- la prise en charge de soutien psychologique.
Le mot de la fin
Mille mercis à Loubna pour cet éclairage sur son parcours.
Il révèle des pistes d’amélioration du système de soins et de ses acteurs. Elles aideraient à réduire les impacts psychologiques vécus par les patients notamment atteints de maladies chroniques inflammatoires.
Chez Rue du Colibri, on contribue modestement via des vêtements qui apportent du confort et de l’estime de soi, en complément des soins.
Notre contribution à la gestion de la douleur, c’est un jean dont la taille s’agrandit au fur et à mesure des besoins. à découvrir ici ➡️➡️➡️
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