Le lymphœdème touche de nombreuses personnes. Pour autant, on en parle peu. Aussi nous avons choisi de nous entretenir avec Nicole Robert, présidente de l’association LYMPHOEDÈME RHÔNE ALPES. Dans cet article, Nicole, qui a elle-même un lymphœdème à la jambe, nous fait découvrir cette maladie. Dans un second article, nous aborderons les possibles traitements à travers son expérience.
Comment définir le lymphœdème ?
Cette maladie survient suite à un dysfonctionnement du système lymphatique. Elle se traduit par une accumulation anormale de lymphe dans les tissus mous sous-cutanés. Cette insuffisance lymphatique se manifeste alors par un gonflement, appelé œdème.
Il existe deux types de lymphœdème :
- le lymphœdème primaire résulte d’une anomalie constitutionnelle du réseau lymphatique. A la suite d’une piqûre d’insecte, au moment de la puberté, d’une grossesse, de la ménopause, on constate l’augmentation du volume du membre inférieur.
- le lymphœdème secondaire intervient après l’ablation totale ou partielle des ganglions. Par exemple, après l’opération d’une tumeur pour un cancer du sein ou un cancer gynécologique, d’un curage ganglionnaire et de radiothérapie, le patient observe un gonflement d’un membre plusieurs mois ou plusieurs années après ses traitements qui peut aller jusqu’à doubler de volume. Le lymphœdème ne touche pas tous les patients.
Comment se caractérise la maladie ?
On parle de lymphœdème à partir du moment où il y a une différence de 2 cm de circonférence entre deux membres. On ressent alors que son bras (ou jambe) devient plus lourd, qu’on a du mal à enfiler ses vêtements.

Également, on observe des sensations physiques. Par exemple, on a l’impression que notre peau va se fissurer, le membre devient très lourd. Je n’ai pas eu de douleurs au départ, elles se sont ensuite installées. On est déséquilibré au niveau de la marche donc cela entraîne beaucoup d’inconfort. D’où l’importance de rencontrer un kinésithérapeute qui va non seulement pratiquer le drainage lymphatique, mais aussi nous apprendre l’auto-drainage.
Comment anticiper le risque d’un lymphœdème secondaire ?
Pour le dépistage du cancer du sein, nous avons aujourd’hui des examens en matière de prévention tels que la mammographie. En revanche, il n’existe pas de dépistage pour le lymphœdème. Il n’y a pas d’examens pour le savoir à l’avance.
A partir du moment où une personne subit :
- une tumorectomie
- un curage ganglionnaire
- de la radiothérapie,
il existe alors un risque d’avoir un jour un lymphœdème secondaire.
Lorsque qu’une personne a une opération, qu’il y a un curage ganglionnaire, les médecins devraient normalement parler du risque de cette maladie.
Chaque patient est unique. Chez des femmes qui ont le même type de cancer, le même protocole, le même chirurgien, on ne peut pas savoir qui développera un lymphœdème et qui n’en développera pas. Pour toutes les personnes qui n’ont pas eu l’information du risque avant l’opération et qui développent un lymphœdème, cela peut-être très déstabilisant quand on découvre l’œdème au niveau de sa jambe ou de son bras.
Un lymphœdème secondaire apparait-il immédiatement après l’opération ?
Non, et c’est ce qui fait la particularité de cette maladie. En effet, elle peut se déclencher des années après. J’ai récemment rencontré une femme qui avait eu un cancer du sein 20 ans auparavant et qui venait de développer un lymphœdème maintenant. À titre personnel, j’ai développé mon lymphœdème de la jambe 7 ans après un cancer gynécologique.
Un lymphœdème peut-il repartir comme il est arrivé ?

Non, une fois qu’il est là, il est là ! Ce qui est important, en revanche, c’est de consulter tout de suite un médecin lorsqu’on se rend compte du gonflement. Il devra alors poser un diagnostic et proposer une prise en charge. Plus la prise en charge s’effectue rapidement, plus on va limiter le volume du membre. On évitera ainsi un épaississement de la peau. Il y aura cependant toujours une petite différence par rapport à l’autre membre.
Est-ce qu’il est possible que deux membres soient touchés ?
Dans le cadre du lymphœdème primaire, qui touche principalement les jambes, on peut être concerné par les deux membres inférieurs.
Le lymphœdème secondaire est-il aussi fréquent chez les hommes et les femmes ?
Le lymphœdème secondaire des membres supérieurs semble plus fréquent chez les femmes concernées par un cancer du sein.
Quant au lymphœdème des membres inférieurs touche les femmes concernées par les cancers gynécologiques et les hommes par les cancers de la prostate et colorectale.
Existe-il un lien établi entre lymphœdème et radiothérapie ?
Aujourd’hui, toutes les personnes que je connais ayant un lymphœdème secondaire ont eu des séances de radiothérapie. Ce qui nous fait ainsi dire que la radiothérapie à une action délétère sur un système lymphatique fragilisé. L’information du risque de développer cette maladie pourrait donc être donnée à plusieurs stades dans le traitement du cancer.
Combien de personnes sont touchées par le lymphœdème ?
On évalue le nombre entre 150 000 et 200 000 personnes. En fait, il y en aurait beaucoup plus car certaines personnes n’ont pas été diagnostiquées en cas de lymphœdème primaire et le lien n’est pas établi lorsque la maladie arrive de longues années après l’opération.
Quelles données avons-nous sur cette maladie ?
Elle a donné lieu à peu d’études ou de recherches, ne permettant pas de la connaître de manière approfondie.
Qui pose le diagnostic ?
Les médecins vasculaires posent le diagnostic. Nous observons que certains oncologues, radiologues ont une méconnaissance de cette pathologie. Les uns et les autres nous renvoient vers notre médecin traitant.
Un grand merci à Nicole pour cet éclairage sur une maladie encore trop peu connue.