Aller au contenu
gouttes rue du colibri
Article – blog du colibri

Cancer de l’ado : le parcours de Carla

Photo d'Angeline et de Carla, une ado touchée par un cancer

Nous avons rencontré Carla en décembre 2021, une ado en traitement contre un cancer du sang, la maladie de Hodgkin. A l’occasion du shooting que nous (Rue du Colibri) avions organisé avec Women Lyon et offert à des femmes en parcours de soin.

L’idée était de prendre confiance en soi et de se réapproprier son image à travers l’objectif de l’appareil photo.

Touchées par son histoire, nous l’avons ensuite interviewée sur son expérience de la maladie et le soutien reçu de la part de ses proches, de ses amis et du personnel soignant. Dans cet article, elle livre son regard sur la maladie et démontre combien les attitudes des proches dépendent de la personnalité de chacun.

Comment ton cancer du sang a été diagnostiqué ?

Tout a commencé en juillet 2020, lorsque j’ai décidé d’être vegan pour la cause animale.
J’ai perdu près de 10 kilos en 5 mois mais je ne me suis pas posé de questions, en me disant que cette perte de poids provenait du changement d’alimentation.

Ensuite, de février à mai 2021, je n’ai plus eu mes règles. C’est à ce moment-là qu’on a commencé à se poser des questions. J’ai fait des analyses de sang au mois de juin, pour savoir si j’avais une carence en fer. Finalement, tout allait bien, mais je n’avais toujours pas mes règles.

Un jour en juin, j’ai vu dans le miroir des grosses boules au niveau du cou, mais ça ne m’a pas inquiétée, je pensais que c’était normal.

Nous sommes partis en vacances au mois de juillet 2021, j’avais de nouveau mes règles. Par contre, les boules au niveau du cou restaient présentes. J’ai donc décidé d’en parler à mes parents.

Les premiers examens

Au retour des vacances, nous sommes allés voir notre médecin généraliste qui m’a prescrit les examens suivants : échographie et radio des poumons.

Aux résultats de l’échographie, les ganglions étaient bien là. La personne qui a fait l’examen nous a dit de revenir dans un mois pour voir la progression et savoir s’ils allaient partir tout seuls ou non.
Pendant ce mois d’attente, j’ai eu d’autres ganglions qui sont apparus, on a commencé à s’inquiéter.

En août, j’ai refait une échographie, les ganglions avaient diminué. En revanche, il fallait essayer de savoir pourquoi ils étaient là.

A la lecture des deux échographies, mon médecin généraliste nous a conseillé de prendre rendez-vous avec un ORL pour connaître la cause. Sachant qu’il y avait plus de trois mois d’attente, mon médecin généraliste nous a envoyés vers un professeur d’hématologie à Lyon où j’ai eu rapidement un rendez-vous.

J’ai réalisé deux autres examens début septembre : un PET-scan et une biopsie.
Et c’est là que le 17 septembre, on nous a annoncé que j’avais bien un cancer, la maladie de Hodgkin (lymphome) au stade 2.

Donc les premiers signes qui nous ont amenés à consulter étaient dans un premier temps ma perte de poids et l’absence de mes règles et ensuite l’apparition des ganglions au niveau du cou.

Comment te sentais-tu avant l’annonce ?

Pour commencer, je ne pensais pas du tout à un cancer.
En tant qu’ado, je ne me suis pas dit « et si c’était un cancer », car l’idée ne m’a pas traversé l’esprit une seconde. On entend parler de cancer chez les adultes ou les personnes âgées et très peu chez les enfants, les ados ou les jeunes adultes.

Ensuite, les résultats des différents examens n’étaient pas alarmants : prise de sang correcte, diminution des ganglions et retour des règles. Ils ne m’ont pas stressée.

Le jour du rendez-vous pour les résultats avec le professeur, lorsqu’il me l’a annoncé, je n’étais pas inquiète. Tout au long du diagnostic, je dormais bien et j’ai entamé ma rentrée en études supérieures sans stress. Je pense que pendant les examens et au moment de l’annonce du diagnostic, je ne réalisais pas que j’étais bien atteinte d’un cancer.

Combien de temps pour réaliser ce que tu vivais ?

Pour être totalement honnête et transparente, je ne réalise pas encore aujourd’hui que j’ai eu un cancer.
Lorsqu’on ne s’y attend pas, je trouve que ça nous fait plus un choc qui, personnellement, m’a plongée dans une sorte de déni tout au long des traitements.

Ma mère et moi, nous n’étions vraiment pas inquiètes, contrairement à mon père, qui lui, était méfiant. Il s’était préparé à l’éventualité d’un cancer même si je n’étais qu’une ado.

Comment cela a changé ta vie sociale et étudiante ?

Lorsqu’on m’a annoncé mon lymphome, le professeur et les médecins m’ont demandé si je voulais continuer l’école. Je voulais vraiment continuer les cours et je ne me suis pas rendu compte sur le moment de toute l’énergie que j’allais perdre avec les séances de chimio qui sont fortes pour mon corps.
Donc j’ai continué les cours, mais à distance, par visio. Les professeurs m’envoyaient les cours.

Je passais plus de temps à l’hôpital pour les chimiothérapies que chez moi. C’est devenu vite compliqué. J’étais en BTS et devais rattraper 8h de cours par jour à chaque fois.
Donc, de septembre à novembre, j’ai essayé de suivre puis après, j’ai mis en pause mon année, car ce n’était pas possible.

photo d'une potence avec des perfusions appelée l'arbre à chimio lors du parcours de cancer d'une ado

J’ai essayé de continuer de parler avec les amis et camarades, mais les conversations étaient souvent autour des cours … et moi, je n’y étais plus… . Comme sujet de conversation, j’avais seulement celui autour des traitements et de l’hôpital mais rien d’autre.

Je me suis sentie un peu exclue des conversations autour des devoirs et des professeurs. En dehors des cours, avec les devoirs, mes camarades n’avaient pas forcément le temps de venir me voir. Elles comprenaient la situation, la maladie, elles étaient là, mais c’est vrai que je ressentais une certaine distance.

Tout au long de mes traitements, c’est à l’hôpital que j’ai pu le plus échangé et notamment avec les personnes du corps médical telles que les médecins ou les infirmiers/infirmières. Les conversations étaient différentes de celles avec mes camarades.
Aujourd’hui, ce n’est pas évident de retrouver des jeunes de mon âge et de discuter avec eux. Je vais pouvoir recommencer mon BTS et retrouver une vie de jeune adulte dès septembre 2022, grâce au lycée qui m’a gardé une place. Merci !

As-tu participé à des discussions entre jeunes malades ?

Non, je n’ai pas participé à un groupe de parole, car on ne me l’a pas proposé. J’ai été bien entourée pendant les traitements. Plusieurs personnes du corps médical m’ont suivie : une psychologue, une art-thérapeute et une socio esthéticienne.

Dans le service où j’étais, j’ai partagé une chambre double avec une grand-mère et je me demandais s’il n’y avait que des personnes âgées et si j’étais la seule ado à avoir un cancer.

Pendant cette période, je n’ai jamais rencontré de jeunes malades de mon âge, mais j’aurais bien aimé échanger avec des personnes de mon âge vivant la même chose que moi.

C’est après les traitements qu’on m’a proposé de rentrer dans des groupes.

Quel soutien de la part de tes proches ?

Ma famille a été bien présente pour moi. Au niveau de mes proches, ce sont surtout mes parents et ma grand-mère qui m’ont vraiment épaulée tout au long de la maladie.

Mon père a pris un congé pour son travail et était tout le temps présent, tout le temps après moi, très stressé.
Il voulait bien faire en étant quotidiennement présent pour moi, mais du coup, il était trop présent. Et souvent maladroit.
Il jouait un rôle protecteur, il cherchait à m’entourer, me cocooner pour me soutenir face à la maladie.
Par exemple, on a dû se rendre aux urgences un soir, vers 21h et attendre une chambre de 21h à 3h. Nous étions dans un box, moi allongée sur un brancard. et mes parents assis par terre. Mon père faisait les 100 pas dans l’hôpital et criait sur le personnel soignant, car il trouvait cela inadmissible de nous faire attendre autant de temps dans ces conditions. Il ne contrôlait pas du tout son stress, ce qui m’angoissait. J’en pleurais, je n’en pouvais plus. Il a souvent eu des réactions disproportionnées, il était dépassé par les événements.

Photo de Carla et de sa grand-mère qui l'embrasse, pour accompagner son proche pendant un cancer ado,
Quant à ma mère, elle était en retrait, mais toujours présente quand il le fallait. Quand j’avais besoin d’être rassurée, j’allais dormir avec elle. Le fait de sentir sa présence près de moi m’apaisait. Elle agissait plus avec des actions qu’avec des mots.

Ma grand-mère, elle, a eu les mots justes quand je n’allais pas bien. Je me souviens de cette fois où j’avais perdu mes cheveux, mon père m’a dit : « Il y a plus grave, c’est bon », alors que ma grand-mère a su trouver les mots qu’il fallait pour me rassurer.

Comment juges-tu avec recul le soutien de tes proches ?

Mon père étant trop souvent là, il n’y avait pas de juste milieu avec lui. Je me souviens d’un jour où il m’a crié dessus parce que je marchais pieds nus et qu’il craignait que je tombe malade. Au contraire, ma mère savait gérer son stress, et trouver le juste milieu entre être présente et trop présente.
Mon père s’occupait exclusivement de moi. J’ai un petit frère et je ne voulais pas qu’il se sente délaissé par la maladie. Du coup, j’avais un peu plus envie qu’on me traite normalement.

Finalement, j’ai cette chance d’avoir été accompagnée par mes proches. Ils ont été très complémentaires. Ils agissaient de manière différente et j’appréciais ça, car chaque jour, mon humeur était différente.

Au niveau du personnel soignant, as-tu ressenti une aide ?

Ce qui m’a un peu surprise, c’est qu’on m’a assuré que je ne serais pas seule face à mes questions et que l’infirmière coordinatrice serait justement là pour ça.
Et finalement, elle n’était pas du tout présente. Elle ne répondait pas souvent aux messages, elle n’était pas là pour faire cette intermédiaire entre l’hôpital et mes questions, comme on me l’avait dit.

Par contre lors de mes hospitalisations, les infirmiers, infirmières et médecins s’occupaient bien de moi et discutaient avec moi. Il y avait un vrai échange.

En plus de tout ce corps médical, j’ai demandé à voir la psychologue de l’hôpital pour se concentrer sur la maladie.

Quel rôle a joué la psychologue dans ton combat ?

Au début, je voyais la chimio comme une ennemie. C’est là que la psychologue m’a conseillée : “vois la chimiothérapie comme ta meilleure amie qui va te sauver et t’aider à guérir”. J’ai également évoqué le stress de mon père ou encore la solitude que j’avais, le cancer me déconnectant de ma vie d’ado étudiante, de mes amis et de l’école. La psychologue a été d’une grande aide pour moi dans ces moments difficiles.

As-tu découvert un autre visage de tes proches ?

J’ai eu de bonnes surprises, comme des amis d’enfance qui m’ont beaucoup soutenue alors qu’on s’était perdu de vue. Même si je trouvais ça dommage car il a fallu que je tombe malade pour qu’ils donnent de leurs nouvelles et qu’ils soient présents.
Et au contraire, il y a des personnes avec qui je suis proche et qui n’ont pas été là pour moi.
Finalement, je trouvais cela étrange que des personnes avec qui j’étais le moins proches soient davantage présentes que les personnes avec qui j’étais plus proche.

Quelles ont été les phrases ou attitudes qui t’ont énervée ?

J’ai pu entendre ces deux phrases :
– « Oh ! Ce n’est pas grave un cancer, de toute façon, tu vas en guérir donc tu n’as pas à te plaindre ! »
– « Oh ! Mais c’est bon, tes cheveux vont repousser ! »

Je discutais avec une amie,
Je lui ai dit : “Oh ! Ça t’embellit la fac ! Tu es toute rayonnante ! Et moi, je suis dans mon lit et je n’ai plus de cheveux.
Elle m’a répondu : « Ah bah chacun son tour. Avant, c’était toi. La roue tourne ! »

Les gens ne se rendent pas compte que ce sont des phrases maladroites. Sur le moment, ce sont des attitudes qui énervent, car il y a déjà les traitements qui nous affaiblissent…

Qu’est-ce qui t’a le plus marquée en traitement ?

Au moment de ma deuxième chimio, j’étais en chambre double avec une grand-mère et elle était adorable ! Je discutais avec elle, j’ai créé un lien d’amitié, c’était ma deuxième grand-mère pendant ces 3 jours à l’hôpital. Quand je n’arrivais pas à manger, elle me disait : « Allez Carla ! Vous pouvez le faire ! ». Je la voyais comme un exemple à suivre. C’est vraiment cette dame qui m’a le plus marquée durant ce traitement.

J’ai aussi un autre moment qui m’a bien marquée. J’ai passé mon anniversaire (18 ans !) à l’hôpital, les infirmières de mon service m’ont fait une petite surprise. Elles sont arrivées dans ma chambre avec un gâteau en chantant « Happy Birthday to you » et m’ont offert une enceinte bluetooth. Elles ont rendu mon anniversaire à l’hôpital plus joyeux ! Cette attention m’a marquée.

Des relations avec tes proches ont-elles changé ?

En ce qui concerne les connaissances que j’ai eues en BTS, je me suis éloignée d’elles, car elles ont continué leur vie étudiante. Je ne leur en veux pas, c’est ainsi. Pour mes amis proches, comme ma meilleure amie, ça m’a rapprochée d’eux.

Pour ma famille, les traitements et la maladie nous ont beaucoup rapprochés et surtout avec ma mère. Avant on se disputait souvent. Elle m’a partagé son expérience personnelle, car elle aussi a été hospitalisée à 17 ans, et je me suis retrouvée dans cette expérience. Quant à mon père, ça nous a rapprochés, mais on a aussi eu plus de conflits qu’avant. Ma grand-mère, j’étais déjà proche d’elle avant, je passais plus de temps avec elle donc ça m’a rapprochée encore plus.

Donc, en globalité, la maladie a renforcé les liens avec mes proches.

Qu’est-ce que tu aimerais dire à tes proches ?

Je veux vraiment les remercier tous les trois.

Il faut savoir que mon père a mis sa vie entre parenthèses pour être là pour moi. La maladie, il la vivait avec moi, il ne sortait plus avec ses copains, il ne travaillait plus… Il a arrêté de vivre sa vie pour être présent à chaque étape de la maladie.
Tous les jours, il faisait les allers-retours avec moi pour aller à l’hôpital. Trois heures de route tous les jours. Il a consacré beaucoup de temps pour moi, je sais qu’il m’aime, mais je ne pensais pas qu’il ferait autant de trajets pour moi, sa fille.
Donc je les remercie vraiment : mon père, ma mère et ma grand-mère pour ces mois de soutiens.

Quel impact du cancer sur la manière de vivre ta vie ?

Maintenant, je suis moins stricte avec moi-même sur mon hygiène de vie. Elle peut ne pas être irréprochable, ce n’est pas grave.

Je relativise également sur le fait de tomber malade, si ça doit arriver de nouveau, c’est la vie.

Je suis en rémission d’un cancer donc je ne me sens pas forcément forte, mais je ne crains pas la maladie.

Enfin, je me sens changée, enrichie dans mes connaissances et j’ai surtout mûri.  Avant, j’étais timide et réservée. Maintenant, j’ose davantage parler avec les autres et demander des choses. Je suis devenue plus sociable.

Avec cette épreuve, j’ai réalisé que le cancer peut toucher tout le monde, enfant, ado, adulte, et cela ne dépend pas de nous. C’est la vie qui est ainsi !

Quelque chose à ajouter ?

Il y a un point qui, je trouve, est souvent pris avec légèreté par des personnes extérieures à la maladie, c’est l’esthétisme.

On dit souvent lorsqu’on perd ses cheveux : « Ce n’est pas grave. ». Mais c’est quelque chose de très important ! Dès qu’on a le crâne nu, on transpire la maladie, ce qui est très dur à vivre.

Je pense que si on avait encore nos cheveux, on le vivrait plus facilement.

Pour moi, voir mes cheveux tomber dans mes mains, a vraiment été un traumatisme dont je me souviendrai toujours. J’ai trouvé des alternatives avec les turbans et perruques, mais c’est difficile de se voir dans le miroir sans cheveux.

photo de mèches de cheveux tombées pendant le cancer de Carla, une ado

Je voudrais également remercier toutes les personnes qui ont été présentes pour moi. 

J’aimerais dire aux jeunes de mon âge qui ne connaissent pas la maladie que tout peut arriver ! À tout le monde et à n’importe quel âge ! Et même si on a une santé de fer : qu’on ne fume pas, qu’on ne boit pas et qu’on pratique une activité physique.

Et pour finir, j’ai réalisé des vidéos Youtube où j’explique justement ma maladie et comment se passent les traitements. Donc n’hésitez pas, si vous vous posez des questions, à les regarder. Je sais que beaucoup de personnes les ont vues, j’aimerais les remercier également d’avoir pris le temps de regarder mes vidéos.

Nous remercions beaucoup Carla pour son témoignage d’ado touchée par un cancer.

Nous vous proposons de découvrir le parcours de soins de Clara sous un autre point de vue, à travers le récit et le point de vue de son père et du témoignage de sa grand-mère.

Nous expédierons toutes les commandes passées jusqu’au 23 décembre à 16h.

Et reprendrons les livraisons le 2 janvier.

Passez de Belles Fêtes !