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Jeune et cancer : le témoignage poignant de Chloé

J’ai rencontré Chloé sur un groupe de partage sur Facebook. J’ai tout de suite été touchée par son jeune âge (21 ans !!) et la douceur de ses messages. Jeune avec un cancer, oui, c’est possible, nous sommes tous concernés ! Nous remercions infiniment Chloé pour ce bel échange.

Quelle est votre histoire ?

Je m’appelle Chloé, j’ai 21 ans. On m’a diagnostiqué un lymphome de Hodgkin le 27 janvier 2021 suite à une ponction au niveau de la gorge et un PET-scan le même jour.

J’avais plein de symptômes tout au long de l’année 2020, mais comme je ne savais pas ce que c’était, je n’y prêtais pas attention. Je suis allée voir mon médecin traitant en mars 2020 qui me disait que c’était sûrement la mononucléose.  J’ai commencé à vraiment m’inquiéter suite à des plaques blanches sur les bras qui me grattaient énormément. Je suis alors allée voir un deuxième médecin généraliste en décembre 2020 et il m’a dit que ce n’était pas normal que mes ganglions soient aussi gonflés.

Il m’a dit qu’il fallait vraiment que j’aille au CHU rapidement. Il m’a donc fait faire un scanner, et ils ont découvert plein de ganglions dans ma cage thoracique. L’oncologue m’a d’abord parlé de la « maladie de Hodgkin » en pensant me préserver, mais je lui ai demandé d’utiliser les vrais mots. Le diagnostic est tombé : un cancer de stade 2.

Chloé, une jeune adulte après ses traitements et le cancer

Quels ont été vos autres symptômes ?

J’ai eu différents symptômes notamment des saignements du nez pendant 2 mois, mais étant donné que j’étais sous traitement, je pensais que c’était dû aux effets secondaires. J’ai également souffert d’une perte de poids énorme, j’ai perdu 6 kg : je suis tombée à 42 kg. J’avais aussi les ganglions hyper gonflés au cou et des démangeaisons sur les bras. Étant très fatiguée, je dormais tous les après-midis d’avril 2020 à janvier 2021.

Avez-vous été rapidement prise en charge ?

Suite à l’annonce, j’ai été dans le déni pendant 5 jours. Et ensuite tout s’est enchaîné super vite, j’ai eu beaucoup de rendez-vous : pour la respiration, avant d’entamer la chimiothérapie, encore d’autres scanners. J’ai eu une échographie cardiaque, bref, de nombreux rendez-vous médicaux pour me préparer aux soins. Le 9 février, j’ai subi ma première opération avec une biopsie des os et d’un ganglion dans le cou et la pose de la chambre implantable. J’ai commencé la chimio le 18 février.

On m’avait annoncé que j’aurai 3 cures d’ABVD (une polychimiothérapie utilisée pour le traitement du lymphome de Hodgkin) donc 6 chimios et 2 semaines de radiothérapie. Mais ça ne s’est pas du tout passé comme ça !

Au bout de la 4ème chimio, j’ai refait un pet scanner pour savoir où l’on en était et un des ganglions dans mon cou avait grossi, il avait commencé à le faire dès la 2ème chimio et n’a jamais voulu partir.

C’est à cause de celui-ci que j’ai dû changer de traitement et passer sur de la BEACOPP, un traitement beaucoup plus agressif. J’ai alors eu 4 chimiothérapies supplémentaires avec ce traitement.

À l’issue de ces deux mois supplémentaires, on m’a encore annoncé « il y a encore un problème ! », j’ai cru que j’allais exploser ! Pendant une semaine, on m’a laissée dans le doute.

Finalement, il ne s’agissait que d’une inflammation de mon ganglion due à la chimiothérapie !

Elle s’est terminée le 14 mai et le 28 juin, je commençais mes 3 semaines de radiothérapie. J’ai fini tous mes traitements le 19 juillet.

Aujourd’hui tout va bien, j’ai une prise de sang tous les mois. J’aurai bientôt d’autres examens pour savoir si l’on me retire la chambre implantable et un rendez-vous chez l’oncologue le 25/10.

Comment se sont passés les traitements ?

Chloé, jeune adulte ayant perdu ses cheveux et faisant le signe de la victoire après son combat contre le cancer

Le jour des chimiothérapies, je m’estimais heureuse. Sur le plan physique, tout allait très bien. Les effets secondaires arrivaient souvent 4 jours après. Pour la BEACOPP, je passais 3 jours à l’hôpital et tout se passait plutôt bien. En revanche, cette chimio étant plus agressive, les effets secondaires survenaient dès le lendemain.

Pendant la première chimio, je souffrais d’une fatigue constante. Ainsi, je ne pouvais rien faire, ce qui était assez ennuyant. Je me suis rasée les cheveux car ils ne poussaient plus et devenaient de plus en plus fragiles et “moches”. 

Pour la deuxième chimio, j’ai tout eu : problème de gencives, réactions allergiques ; j’avais le corps couvert de boutons. J’ai notamment eu des douleurs neuropathiques aux jambes pendant dix jours. Et rien ne me soulageait, ni même la morphine. Je suis allée aux urgences, mais comme personne ne m’avait indiqué que cela pouvait arriver, je ne savais pas ce que c’était ! Au CHU de Grenoble, je ne les ai pas trouvés top pour l’information, surtout lorsqu’on est adulte, cela ne m’a pas semblé être leur priorité…

J’ai eu des nausées, des vomissements, des maux de tête, mes cheveux sont tombés. Hé oui, ils avaient repoussé entre les deux traitements… Je n’avais plus du tout de pilosité. J’avais aussi constamment une infection à mon piercing.

Ce qui me gênait le plus, c’était quand même la fatigue.

Pourquoi le choix du CHU de Grenoble ?

On ne m’a pas laissé le choix, on m’a orientée là-bas et étant donné que j’habite Grenoble, cela m’a paru logique. Au niveau des traitements, je n’ai rien à redire et la preuve je suis guérie ! Ils ont toujours été sympas. Le problème est en revanche venu de la communication. Ils considéraient que j’étais adulte et que c’était à moi d’aller chercher les informations, mais moi, j’étais complétement perdue !

Dans les hôpitaux de jour, j’étais la seule jeune femme à avoir un cancer et je n’ai pas eu un accompagnement particulier. J’ai été reçu par l’AJA (Equipe mobile Adolescents et Jeunes Adultes, ils accompagnent les jeunes patients souffrant d’un cancer et leurs proches), mais c’était simplement pour faire un dossier pour l’AAH (Allocation aux Adultes Handicapés). Pour ce qui est du plan psychologique, j’ai demandé un suivi à l’hôpital, mais cela ne m’a pas convenu. Ce soutien, c’était pour lâcher prise, ce n’est pas ce qui m’intéressait, j’avais besoin de parler et d’avoir un échange. Heureusement, ma mère était là tout le long de mon parcours pour prendre mes rendez-vous, appeler quand j’étais mal. L’hôpital de jour n’était ouvert que du lundi au jeudi. Les vendredis et les week-ends, on ne savait pas qui appeler, il n’y avait personne.

Que faisiez-vous dans la vie à ce moment-là ?

J’étais en 3ème année de licence d’anglais, même si j’étais en distanciel toute l’année, je n’ai pas pu aller plus loin. Je n’ai pas voulu abandonner, j’ai continué les cours en décalé, et j’ai passé la moitié des partiels que j’ai réussis ! Je continue ma 3ème année depuis septembre mais à rythme modéré, 9h heures par semaine. C’est important pour moi de pouvoir continuer mes études, ça m’aide à garder mon mental.

Par qui avez-vous été suivie en dehors des médecins ?

J’ai vu une diététicienne. À cause de la BEACOPP, je suis en effet tombée à 40 kg.  On m’avait dit que si je perdais encore un kilo, je finirais avec une sonde alimentaire, alors que je ne suis pas du tout anorexique ! Garder son poids est important pour les médecins. J’ai donc en effet demandé à consulter une diététicienne qui m’a reçu ¼ d’heure et qui m’a dit « je te recontacte » ! Je n’ai plus jamais eu de nouvelles. Elle m’a seulement conseillé des compléments alimentaires à prendre en supermarché. Les infirmières de l’hôpital m’ont poussée à ramener de la nourriture de l’extérieur, même à commander.

L’AJA m’a donné les coordonnées d’une socio-esthéticienne. Je ne l’ai vue qu’une fois. Etant donné que je ne me maquillais pas forcément quand j’avais encore mes cheveux, je n’en voyais pas l’utilité.

Les infirmières étaient très sympas, mais étant donné que je n’avais pas de problèmes, elles ne s’occupaient pas de moi. En plus, à l’hôpital de jour, il y a très peu d’infirmières. Elles avaient juste le temps de mettre les produits. Je connais quelqu’un qui a eu un cancer jeune, à 15 ans, et nous n’avons pas du tout eu les mêmes traitements à l’hôpital. Elle a été vraiment accompagnée.

Quand j’ai débuté la radiothérapie, les manipulateurs ont vraiment été incroyables. J’ai fait beaucoup de crises d’angoisse pendant les scanners et ils sont restés tout le temps avec moi. L’une d’entre elles est restée avec moi pendant une demi-heure, pendant un moment assez dur. Je ne peux pas en vouloir au personnel soignant, je n’aime pas déranger et je n’ai jamais trop demandé de l’aide.

Comment avez-vous vécu la perte de cheveux et de pilosité ?

Mon hématologue est génial, mais par contre, niveau autre information que le cancer, il était un peu perdu. J’étais au courant que lorsqu’on avait un cancer, on perdait ses cheveux. Je lui ai demandé le jour de l’annonce comment ça allait se passer. Il m’a tendu ma fiche de remboursement pour une perruque et m’a dit de trouver quelqu’un pour la réaliser. C’est ma mère qui a vraiment tout géré. C’est elle qui est allée voir sur Internet et l’a trouvée.

J’ai toujours eu les cheveux colorés, c’était mon identité. Je surveillais de manière obsessionnelle mes cheveux, surtout qu’on m’avait prévenue qu’ils allaient commencer à tomber à la deuxième chimiothérapie. Je voulais les couper moi-même pour qu’on en parle plus. Ils devenaient cassants, étaient tout le temps gras, même après les avoir lavés.

J’avais commandé une perruque de cheveux naturels dès l’annonce de la maladie. Le 22 mars, au bout de la 3ème chimio, je me suis dit qu’il était temps d’aller la récupérer et me faire raser par la perruquière.

Chloé et sa perruque, une jeune adulte pendant son parcours de soins en cancer

Sur le moment, j’en ai rigolé. Après avoir mis la perruque, j’ai été mal pendant une semaine. Après, je me suis habituée.

À partir de début juin, j’ai commencé à assumer et à sortir sans perruque. J’en pleure encore parfois, mes cheveux me manquent. J’ai envie d’être normale et que les gens arrêtent de me demander pourquoi j’ai les cheveux rasés ! Ça m’énerve qu’on le voie.  Quand on est une fille chauve, on nous regarde comme un ovni dans la rue.

Maintenant, je m’en fiche un peu plus. Avec ma perruque, j’avais l’impression que tout le monde voyait que ce n’était pas mes cheveux et je devenais parano. J’ai aussi perdu mes sourcils et mes cils. Je ne supportais pas de ne pas avoir possession de mon propre corps.

Êtes-vous allée voir la perruquière physiquement ?

Lorsque j’ai été la voir pour la première fois pour choisir ma perruque, j’ai fondu en larmes. Je me suis dit que ce n’était pas possible, que je n’allais pas la supporter. J’en ai choisi une complètement contraire à ma coupe actuelle. Blonde jusqu’en bas du dos. En réalité, je n’en ai essayé que deux et je ne pouvais pas continuer. Je l’ai vue trois fois au total. La première fois, pour choisir la perruque. La deuxième fois, pour l’arranger et la couper. La troisième fois, pour raser mes cheveux. Elle était super sympa, mais je ne la reverrai pas ! Elle avait quelqu’un dans son entourage touché par la maladie et du coup, elle avait le bon contact avec moi. L’empathie nécessaire.

Quel était votre état d’esprit pendant la maladie ?

C’est peut-être bizarre à dire, mais le cancer m’a sauvé la vie. J’étais complètement en dépression depuis des années. Maintenant, je suis vraiment heureuse, ça m’a complétement changée. Maintenant je ne vois que le positif, je banalise tout. Cette épreuve m’a enlevé toutes mes pensées négatives, tout me sourit en ce moment.

Je suis beaucoup plus posée, tranquille. Si quelqu’un me parlait mal auparavant, je pleurais toute la journée. Maintenant, ce n’est pas grave. Je reste anxieuse, je le sais, mais je vis avec. Je vois aussi que j’en inspire quelques-uns et ça, c’est vraiment bien ! Certains viennent me voir en me disant, « on vient de m’annoncer ce lymphome, est-ce que tu peux m’en parler ? » Je suis tellement heureuse de pouvoir aider les gens.

On me dit souvent que je suis courageuse, mais en même temps, je n’ai pas eu vraiment le choix. J’ai tellement perdu mon corps, 40kg, plus de cheveux, je n’étais plus moi-même. Quand je me regardais dans la glace, je me disais : qui suis-je ?

Qu'est-ce qui vous a aidée pendant votre parcours ?

Il y a une association à Bordeaux qui s’appelle « on est là » composée de jeunes anciens malades du cancer. J’ai rencontré ma meilleure amie grâce à l’association. Elle a eu un cancer à 15 ans, elle en a 19 aujourd’hui. Nous nous sommes rendu compte que nous habitions toutes les deux Grenoble et c’est ainsi que nous nous sommes rapprochées. À la base, elle devait juste me donner des conseils, mais ensuite on a eu un coup de foudre amical ! C’est ma seule rencontre réelle. J’ai ensuite connu quelques autres personnes mais virtuellement seulement.

Les réseaux sociaux m’ont également aidée. J’ai été dans deux groupes Facebook en rapport avec le cancer et les lymphomes. J’y interagissais souvent et postais, je posais des questions. Les membres prenaient beaucoup de mes nouvelles, il y a une sorte de lien entre les membres et ça m’a beaucoup aidée. Je me suis aujourd’hui retirée de ces groupes parce qu’il y a tout de même beaucoup de négativité. Voir notre échange avec Sylvie, pour qui les réseaux sociaux ont été un soutien au quotidien. 

Je me suis ressourcée par la musique, j’en écoutais tout le temps à l’hôpital.

Qui vous a accompagnée pendant la maladie ?

Photo de Chloé aujourd'hui, jeune adulte après ses traitements et le cancer

Ma mère. Elle a été là du début jusqu’à la fin. En attendant les résultats du premier scanner, nous soupçonnions déjà un cancer. Quand on me l’a annoncé, nous n’avons donc pas été particulièrement choquées. J’ai deux petites sœurs de 12 et 19 ans. On l’a annoncé tout de suite à la plus grande, mais pour ma petite sœur, on a attendu une semaine avant de lui dire. Elle avait mal à la tête et pensait que c’était une tumeur ! On ne sait pas d’où ça venait, mais ça tombait mal !

Je ne l’ai dit à presque personne. J’avais très peu d’amis à qui en parler à l’époque.

J’habitais encore avec ma mère et mes sœurs il y a un mois et maintenant, j’ai déménagé.

Cela a quand même impacté leur vie pendant les traitements. Tous les soirs de chimiothérapie, j’étais complètement amorphe, un vrai zombie. On a demandé à ma sœur de faire un exposé sur l’un de ses héros devant sa classe et elle m’a présentée moi ! Ça m’a beaucoup touchée. Elles ne m’ont jamais accompagnée pendant les chimios car je trouvais ça trop lourd à porter, je ne voulais l’imposer à personne. Ma mère m’accompagnait même si je lui demandais le contraire.

On voit les choses sous un autre angle, une fois guérie.

Elle a toujours été très positive pendant le traitement et moi, ça m’énervait. Elle en faisait trop. Je pense qu’elle voulait juste m’aider à m’en sortir mais qu’elle en pleurait quand je n’étais pas là. Des fois, elle m’engueulait pour rien, mais je pense qu’elle avait simplement peur. Tout ça, bien sûr, je l’ai décodé après les traitements, en juin. Parfois, il y avait des tensions entre nous, mais c’est normal.

On a toujours été très proches toutes les quatre, ça ne nous a pas forcément rapprochées, c’était une étape de vie pour nous toutes.

Il y avait beaucoup de culpabilité de ma part, je ne voulais pas les embêter ou que ça pèse trop sur leur vie. Aujourd’hui, je ne me permets plus d’être triste face à elles.

Qu'avez-vous découvert sur vous ?

Il faut aussi savoir que pendant 4 mois, je me suis dit « je l’ai mérité ce cancer ».

Du coup, je ne savais pas que j’avais autant envie de vivre. Il y a quelques années, j’espérais avoir un cancer pour mourir jeune et tranquillement. Je ne pensais pas que j’avais autant de lumière en moi. J’ai appris que je pouvais être heureuse toute seule.

J’ai pris ainsi une grande décision : emménager dans un appartement seule. Cela me semblait impossible il y a un an. Retrouver du travail aussi. Ça peut peut-être sembler petit pour les autres, mais pour moi c’est énorme. Être plus indépendante. J’essaie vraiment de sensibiliser les gens sur le cancer chez les jeunes. Oui, on peut s’en sortir !

Socialement, j’ai perdu beaucoup de gens pendant la maladie, parce qu’ils avaient peur. J’avais l’impression d’être un virus. Alors que je n’ai jamais demandé d’aide à qui que ce soit. Je n’en parlais même pas. En réalité, si j’en parle en public, c’est pour ne pas en parler en privé.

Aujourd’hui, je vois les choses positivement ! J’avoue que les examens m’angoissent encore. Je n’en peux plus des prises de sang. Les scanners me ramènent toujours dans l’angoisse. Je sais que c’est mon quotidien désormais. C’était une étape de vie, comme dit ma mère. Je m’en fous de ce que je mange aussi maintenant !

Quels conseils à un jeune atteint d'un cancer ?

S’il a le même lymphome que moi, je lui dirai que c’est juste une étape de vie. Je sais que ça va être dur. Les gens vont tous te dire que « ce n’est pas grave si tu perds tes cheveux », « ça repousse ». Mais c’est nul comme conseil.  Bats-toi, fais-le. Si tu as besoin de quelqu’un à qui parler, je serai là. 

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Nous expédierons toutes les commandes passées jusqu’au 23 décembre à 16h.

Et reprendrons les livraisons le 2 janvier.

Passez de Belles Fêtes !